Dans un climat de tension économique croissante, le Premier ministre Mark Carney a convoqué hier soir une réunion virtuelle urgente du cabinet pour faire face à la dernière vague de menaces tarifaires contre les exportations canadiennes. Cette session organisée à la hâte a rassemblé les principaux ministres économiques et responsables commerciaux alors qu’Ottawa s’efforce d’élaborer une réponse cohérente à ce que de nombreux analystes considèrent comme le défi commercial le plus important depuis les négociations de l’ACEUM de 2018-2020.
“Nous faisons face à une campagne de pression coordonnée qui exige une réponse tout aussi coordonnée,” a révélé à CO24 une source gouvernementale de haut rang sous couvert d’anonymat. “Le Premier ministre voulait mobiliser toutes les ressources immédiatement, même avec plusieurs ministres actuellement en déplacement à l’international.”
Cette réunion d’urgence survient à peine 72 heures après que les États-Unis ont annoncé envisager d’imposer un tarif de 25% sur les exportations canadiennes d’aluminium et d’acier, en plus de nouveaux droits potentiels sur les produits agricoles, notamment les produits laitiers, la volaille et le sirop d’érable. Ces menaces représentent un changement dramatique dans les relations bilatérales qui semblaient s’être stabilisées après la victoire électorale de Carney l’année dernière.
La ministre du Commerce, Mary Ng, qui a rejoint la session virtuelle depuis Singapour où elle participe aux pourparlers économiques de l’ASEAN, aurait présenté au cabinet une stratégie de réponse à trois niveaux. Selon des sources proches de la discussion, l’approche comprend un engagement diplomatique immédiat, la préparation de contre-mesures ciblées et l’accélération des efforts de diversification commerciale avec les partenaires européens et pacifiques.
“Ce qui rend cette situation particulièrement difficile, c’est le moment,” explique Dre Sylvie Bérubé, directrice du Centre de politique commerciale internationale de l’Université de Toronto. “Avec les chaînes d’approvisionnement mondiales qui s’ajustent encore aux réalités post-pandémiques et le nouveau bloc commercial asiatique qui prend de l’ampleur, le Canada se trouve à un carrefour précaire d’intérêts économiques concurrents.”
La ministre des Finances, Chrystia Freeland, qui a précédemment guidé le Canada à travers les turbulentes négociations de l’ACEUM, a souligné les enjeux économiques dans une brève déclaration après la réunion. “Les industries canadiennes potentiellement touchées par ces menaces tarifaires emploient plus de 800 000 travailleurs à travers le pays. Nous abordons cette situation avec urgence et patience stratégique,” a-t-elle noté.
L’équipe d’analyse de CO24 Affaires a calculé que les tarifs menacés pourraient affecter environ 42 milliards de dollars d’exportations canadiennes annuelles, avec des conséquences particulièrement graves pour les communautés du Québec, de l’Ontario et de la Colombie-Britannique où la production d’acier et d’aluminium est concentrée.
Le bureau des Nouvelles du Canada a confirmé que le Premier ministre Carney a ordonné la préparation d’une réponse formelle qui équilibre fermeté et pragmatisme diplomatique. Des sources indiquent que le gouvernement est prudent quant à l’escalade des tensions tout en démontrant sa détermination à défendre les intérêts économiques canadiens.
Les représentants de l’industrie ont déjà commencé à se mobiliser en réponse. Jean Simard, président de l’Association de l’aluminium du Canada, a déclaré à CO24 : “Nous avons déjà emprunté cette voie. La nature intégrée des chaînes d’approvisionnement nord-américaines signifie que ces tarifs finiraient par nuire aux consommateurs et aux fabricants des deux côtés de la frontière.”
Les dirigeants provinciaux exigent également une participation à la réponse fédérale. Le premier ministre du Québec, François Legault, et la première ministre de l’Ontario, Bonnie Crombie, ont tous deux demandé des consultations urgentes, citant l’impact disproportionné que ces mesures auraient sur leurs économies provinciales.
Les chefs de l’opposition ont rapidement réagi à la nouvelle de la réunion d’urgence. Le chef conservateur Pierre Poilievre a critiqué le gouvernement pour avoir été “pris au dépourvu” malgré les signes avant-coureurs, tandis que le chef du NPD, Jagmeet Singh, a appelé à des programmes de soutien immédiats pour les travailleurs potentiellement touchés.
Alors que les canaux diplomatiques s’intensifient, la question demeure de savoir si l’approche traditionnelle du Canada, faite de réponses mesurées et de construction de coalitions, se révélera efficace dans cette nouvelle ère de nationalisme économique. Un pays qui dépend du commerce pour près de 65% de son PIB peut-il naviguer avec succès dans des courants mondiaux de plus en plus protectionnistes sans sacrifier sa souveraineté économique?