Lors d’un échange tendu qui a mis en lumière les tensions croissantes autour de la crise du logement au Canada, le ministre du Logement Sean Fraser a évité à plusieurs reprises mardi de répondre directement aux questions concernant la promesse non tenue du gouvernement fédéral d’éliminer la TPS sur les développements de logements locatifs construits expressément à cette fin.
La confrontation a eu lieu lors d’une réunion du comité parlementaire où les députés de l’opposition ont insisté pour obtenir des précisions sur le moment où les Canadiens pourraient voir des actions concrètes concernant cet engagement pris il y a plusieurs mois. Le gouvernement avait annoncé son intention d’éliminer la taxe sur les produits et services pour ces développements immobiliers essentiels dans le cadre de sa stratégie visant à résoudre la grave pénurie de logements dans le pays.
“Ce que nous avons fait, c’est proposer une solution qui fera une différence significative dans la vie des Canadiens qui ont du mal à trouver un logement abordable,” a déclaré Fraser, évitant de préciser les délais de mise en œuvre malgré les questions répétées du député conservateur Eric Duncan.
Cet échange survient à un moment critique pour le gouvernement libéral, qui fait face à des critiques croissantes concernant le rythme de ses initiatives en matière de logement, alors que l’abordabilité continue de se détériorer dans tout le pays. Selon les données récentes de la Société canadienne d’hypothèques et de logement, les taux d’inoccupation des logements locatifs ont chuté à des niveaux historiquement bas dans les grands centres urbains, Toronto et Vancouver affichant des taux inférieurs à 1 pour cent.
L’exemption de TPS promise permettrait potentiellement aux promoteurs d’économiser des millions sur les nouveaux projets de construction locative, permettant théoriquement la construction de plus d’unités à moindre coût. Les experts de l’industrie estiment que cet allègement fiscal pourrait réduire les coûts de construction d’environ 5 à 7 %, ce qui se traduirait potentiellement par des milliers d’unités locatives supplémentaires chaque année si elle était correctement mise en œuvre.
“La crise du logement n’attend pas les processus bureaucratiques,” a fait remarquer Jennifer Morris, militante pour le logement de la Coalition canadienne du logement. “Chaque mois de retard signifie que plus de Canadiens luttent avec des coûts de logement insoutenables ou sont incapables de trouver un logement convenable.”
Lorsqu’on l’a interrogé sur le calendrier précis, Fraser s’est tourné vers des initiatives plus larges en matière de logement, soulignant le Fonds pour accélérer la construction de logements du gouvernement et d’autres mesures conçues pour augmenter l’offre. Cependant, il n’a offert aucune date concrète quant à l’entrée en vigueur de l’exemption fiscale ou si elle serait incluse dans la prochaine mise à jour économique d’automne.
La stratégie du gouvernement en matière de logement est devenue de plus en plus centrale pour son positionnement politique avant les prochaines élections, le premier ministre Justin Trudeau ayant récemment déclaré que l’accessibilité au logement était la “priorité numéro un” du gouvernement. Pourtant, les critiques soulignent l’écart grandissant entre les annonces et la mise en œuvre comme preuve d’un décalage entre la rhétorique et les résultats.
La frustration de Duncan était évidente lorsqu’il a pressé le ministre : “Les Canadiens n’ont pas besoin de plus d’annonces ou de promesses; ils ont besoin d’actions concrètes. Quand verront-ils l’allègement fiscal qui a été promis?”
Cette impasse souligne la dynamique politique complexe entourant la crise du logement au Canada, tous les grands partis se positionnant comme étant les mieux équipés pour répondre à ce qui est devenu l’une des principales préoccupations des électeurs. Des sondages récents montrent que l’abordabilité du logement se classe constamment parmi les trois principales préoccupations des Canadiens, particulièrement chez les jeunes électeurs et les résidents des grands centres urbains.
Les analystes économiques suggèrent que si les incitatifs fiscaux représentent un outil pour résoudre les pénuries de logements, une approche globale nécessite une coordination à tous les niveaux de gouvernement pour aborder les restrictions de zonage, les retards de permis et autres barrières réglementaires à la construction.
“L’exemption de TPS n’est qu’une pièce d’un casse-tête beaucoup plus vaste,” a expliqué l’économiste Priya Shah du Centre canadien d’analyse économique. “Sans s’attaquer aux processus d’approbation municipaux et aux politiques provinciales d’utilisation des terres, les incitatifs fiscaux fédéraux seuls ne résoudront pas les contraintes fondamentales d’approvisionnement.”
Alors que les parlementaires se préparent pour la session d’automne et la prochaine mise à jour économique, la pression continue de monter sur le gouvernement fédéral pour qu’il passe des annonces à des actions tangibles sur l’abordabilité du logement. Les enjeux dépassent la politique pour toucher la réalité quotidienne de millions de Canadiens aux prises avec l’insécurité du logement.
Ce qui reste à voir, c’est si le gouvernement peut traduire ses promesses en matière de logement en résultats concrets avant que les électeurs ne rendent leur jugement sur la question de savoir si la rhétorique a correspondu à la réalité dans la résolution de l’une des crises les plus pressantes du Canada.