Alors que des nuages sombres s’amoncellent sur les relations commerciales mondiales, la ministre de l’Industrie Anita Anand met le cap sur l’Asie du Sud-Est cette semaine, portant avec elle l’ambitieux plan de la stratégie indo-pacifique évolutive du Canada. Cette mission ministérielle en Malaisie et au Japon représente une étape cruciale dans les efforts d’Ottawa pour diversifier ses relations commerciales au-delà des partenaires traditionnels tout en renforçant la coopération en matière de sécurité dans une région de plus en plus définie par les tensions géopolitiques.
“Cette visite intervient à un moment charnière pour l’avenir économique du Canada,” a déclaré Anand dans un communiqué avant son départ. “Nous ne pouvons pas nous permettre de rester sur la touche pendant que la région indo-pacifique façonne les règles qui régiront le commerce mondial pour les décennies à venir.”
Ce voyage de haut niveau fait suite à l’annonce récente de la ministre des Finances Chrystia Freeland selon laquelle Mark Carney, ancien gouverneur de la Banque du Canada, dirigera un examen complet des priorités de sécurité économique du Canada. L’implication de Carney témoigne du sérieux avec lequel Ottawa considère l’interconnexion entre le commerce et la sécurité nationale à une époque de chaînes d’approvisionnement fragiles et de concurrence technologique.
L’itinéraire d’Anand comprend des réunions avec le Premier ministre malaisien Anwar Ibrahim et des membres clés du cabinet japonais, axées principalement sur les minéraux critiques, la gouvernance de l’intelligence artificielle et la collaboration en matière de technologie de défense. Ces secteurs représentent ce que les responsables gouvernementaux décrivent comme les “nouvelles frontières” de la sécurité économique—des domaines où les intérêts commerciaux chevauchent de plus en plus les préoccupations de sécurité nationale.
Les enjeux ne pourraient guère être plus élevés. La région indo-pacifique représente plus de 60% du PIB mondial et abrite certaines des économies à la croissance la plus rapide au monde. Pourtant, le Canada a historiquement sous-performé sur ce marché vital par rapport à des alliés comme l’Australie et le Royaume-Uni.
“Nous avons été lents au démarrage,” a reconnu David Mulroney, ancien ambassadeur canadien en Chine, dans une entrevue. “Cette visite représente une reconnaissance que notre prospérité économique et notre sécurité sont de plus en plus liées à un engagement plus profond avec les nations indo-pacifiques au-delà de la Chine.”
En Malaisie, les discussions se concentreront sur la fabrication de semi-conducteurs et la résilience des chaînes d’approvisionnement—des préoccupations critiques après que les perturbations de l’ère pandémique ont exposé les vulnérabilités des réseaux de production mondiaux. Les pourparlers avec le Japon mettront l’accent sur l’élargissement de la coopération en matière de recherche sur l’informatique quantique et les cadres de cybersécurité, s’appuyant sur le Plan d’action Canada-Japon récemment signé.
Les experts commerciaux notent que le double portefeuille d’Anand—supervisant à la fois l’industrie et les acquisitions de défense—la place dans une position unique pour faire avancer l’approche intégrée du Canada en matière de sécurité économique. Cette intégration représente une évolution significative dans la politique commerciale du Canada, qui a traditionnellement traité les intérêts commerciaux séparément des considérations de sécurité.
“Ce à quoi nous assistons est un recalibrage fondamental de la façon dont les démocraties abordent le commerce,” a expliqué Meredith Lilly, titulaire de la Chaire Simon Reisman en affaires internationales à l’Université Carleton. “La ligne entre politique économique et sécurité nationale a effectivement disparu.”
La mission comporte également des implications politiques nationales. Avec l’anxiété économique croissante au pays et les manchettes dominées par les conflits et les tensions commerciales, le gouvernement libéral est désireux de démontrer des progrès concrets sur sa stratégie indo-pacifique, dévoilée pour la première fois en 2022 avec des engagements de financement de 2,3 milliards de dollars.
Les critiques se demandent si ces efforts arrivent trop tard, alors que les architectures commerciales régionales comme l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP) ont déjà pris forme sans influence canadienne significative. Les chefs de l’opposition ont appelé à des objectifs commerciaux plus ambitieux et à des engagements de sécurité plus clairs.
Néanmoins, les chefs d’entreprise ont généralement bien accueilli l’accent renouvelé sur les marchés de l’Asie-Pacifique. Le Conseil canadien des affaires a décrit le voyage d’Anand comme “une étape significative vers la diversification de nos relations commerciales” dans des régions cruciales pour la croissance économique future.
Alors que les dynamiques de pouvoir mondiales évoluent et que les préoccupations de sécurité économique remodèlent le commerce international, le Canada peut-il se positionner avec succès comme un partenaire de confiance dans le siècle indo-pacifique, ou restera-t-il perpétuellement à la traîne dans la région la plus dynamique du monde?