Les sols en marbre de l’hôtel Fairmont Royal York de Toronto sont devenus silencieux lorsque le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, a pris place au podium mardi matin. Son message à l’élite financière réunie était clair et sans précédent : le cadre bancaire central du Canada nécessite une réforme fondamentale pour résister à une économie mondiale de plus en plus volatile.
“Le monde a radicalement changé”, a déclaré Macklem, son ton habituellement mesuré portant une nouvelle urgence. “La pandémie, les conflits géopolitiques et les perturbations liées au climat ont créé un environnement économique plus vulnérable aux chocs qui exige un cadre de politique monétaire plus adaptable.“
Les remarques du gouverneur interviennent à un moment crucial, alors que le renouvellement du mandat quinquennal de la Banque du Canada approche en 2026. Opérant actuellement avec une cible d’inflation de 2%, Macklem a suggéré que le mandat devrait évoluer pour accorder à la banque centrale une plus grande flexibilité lors de réponses aux crises économiques inattendues.
Les marchés financiers ont réagi rapidement au discours de Macklem, avec le dollar canadien chutant de 0,3% face à son homologue américain, les négociants réévaluant les implications des changements potentiels de politique. Les rendements obligataires ont également connu des mouvements alors que les investisseurs analysaient les paroles du gouverneur pour trouver des indices sur les futures décisions de taux d’intérêt.
“Nous ne cherchons pas à abandonner notre cible d’inflation“, a précisé Macklem. “Nous avons plutôt besoin d’outils qui nous permettent de répondre aux préoccupations de stabilité financière tout en maintenant la stabilité des prix—des objectifs jumeaux qui nécessitent parfois des approches différentes.”
Les changements proposés formaliseraient les pratiques adoptées par la Banque lors des crises récentes. Pendant la pandémie, la BdC a déployé des mesures monétaires sans précédent, y compris l’assouplissement quantitatif et les indications prospectives, allant au-delà de sa boîte à outils traditionnelle. Ces actions d’urgence, bien qu’efficaces pour stabiliser les marchés, fonctionnaient dans une zone grise réglementaire.
Les économistes sont divisés sur la proposition de Macklem. “Il y a du mérite à codifier les réponses aux crises”, a noté Benjamin Reitzes, directeur général chez BMO Marchés des capitaux. “Mais toute expansion du mandat risque de diluer la responsabilité et de créer de la confusion concernant les objectifs principaux de la Banque.”
Le changement potentiel de mandat se produit dans un contexte d’examen public de la performance de la Banque. Avec une inflation ayant atteint un sommet en quatre décennies de 8,1% en 2022, de nombreux Canadiens se sont demandé si la BdC avait perdu le contrôle de sa mission fondamentale. Bien que l’inflation se soit depuis modérée à 2,9%, les dommages économiques et la perte de crédibilité restent importants.
La ministre des Finances Chrystia Freeland, qui doit approuver tout changement de mandat, a offert un soutien mesuré. “Nous valorisons l’indépendance opérationnelle de la Banque tout en assurant que ses objectifs s’alignent avec les intérêts économiques des Canadiens”, a déclaré son bureau. “Nous évaluerons toutes propositions à travers ce prisme.”
Il existe des précédents internationaux pour la vision de Macklem. La Réserve fédérale américaine fonctionne sous un double mandat ciblant à la fois l’inflation et l’emploi, tandis que la Banque centrale européenne a récemment intégré des considérations climatiques dans son cadre politique.
Les chefs d’entreprises assistant au discours de Macklem ont exprimé un optimisme prudent. “Les entreprises ont besoin de stabilité pour planifier leurs investissements”, a déclaré le président de la Chambre de commerce de Toronto, Daniel Hendriks. “Si ces changements peuvent réduire la volatilité économique, ils méritent une considération sérieuse.”
Le processus de renouvellement du mandat impliquera une consultation approfondie avec des experts financiers, des chefs d’entreprises et le public. Alors que les Canadiens continuent de se remettre de l’impact de l’inflation sur les budgets des ménages, les décisions politiques de la Banque feront l’objet d’un examen sans précédent.
“Le test ultime de tout cadre de banque centrale”, a conclu Macklem, “est de savoir s’il sert le bien-être économique des Canadiens tant dans les périodes calmes que turbulentes. C’est la norme par laquelle nos propositions devraient être jugées.”
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