Dans un paysage politique souvent défini par une guerre de tranchées partisane, une force rafraîchissante émerge à travers le Canada. De jeunes Canadiens, principalement de la Génération Z, sont à la tête d’un mouvement populaire qui remet en question le statu quo hyperpartisan et cherche à récupérer le discours politique des extrêmes qui ont dominé ces dernières années.
“Nous en avons assez du faux choix entre être entièrement d’un côté ou de l’autre,” explique Sophia Chen, une étudiante de 22 ans en sciences politiques à l’Université Ryerson qui a aidé à organiser une série de dialogues transpartisans à Toronto le mois dernier. “La plupart des Canadiens se situent quelque part au milieu sur de nombreuses questions, mais notre système politique pousse de plus en plus tout le monde vers les extrêmes.”
Le mouvement, qui a commencé de façon informelle à travers des organisations universitaires et des réseaux sociaux, s’est maintenant étendu à plus de 30 villes à travers le pays. Ces jeunes militants créent délibérément des espaces où les Canadiens aux croyances politiques différentes peuvent s’engager dans des discussions de fond sur les politiques sans recourir à des arguments partisans ou des attaques personnelles.
Ce qui rend cette initiative particulièrement remarquable est son rejet explicite du tribalisme politique. Contrairement aux mouvements politiques de jeunesse précédents qui s’alignaient clairement sur des idéologies progressistes ou conservatrices, ces organisateurs de la Génération Z insistent sur le maintien de la diversité idéologique au sein de leurs équipes de direction et lors de leurs événements.
Des sondages récents suggèrent que cette approche résonne au-delà des jeunes Canadiens. Une enquête menée par l’Institut pour la démocratie canadienne a révélé que 68% des répondants de tous les groupes d’âge se sentent de plus en plus aliénés par la nature polarisée du discours politique, avec 74% exprimant un intérêt pour des forums politiques qui encouragent des discussions nuancées au-delà des lignes de parti.
Jordan Peterson, professeur de sciences politiques à l’Université de Colombie-Britannique qui étudie la polarisation politique, y voit un point d’inflexion potentiel. “Ce qui est fascinant avec ce mouvement, c’est qu’il ne tente pas de créer un nouveau parti centriste ou de forcer les partis existants à se modérer. Au lieu de cela, il essaie de changer la façon dont les Canadiens ordinaires s’engagent en politique – en s’éloignant de la loyauté basée sur l’équipe pour une discussion basée sur les enjeux.”
Plusieurs personnalités politiques importantes ont pris note. La semaine dernière, des représentants du Parti libéral, du Parti conservateur et du NPD ont participé à une table ronde modérée organisée par le groupe à Ottawa. L’événement, qui portait sur l’abordabilité du logement et la politique climatique, a imposé des règles strictes contre les attaques personnelles et a exigé des participants qu’ils reconnaissent les points valides soulevés par leurs adversaires politiques.
“J’étais sceptique au début,” admet l’ancien député David McGuinty, qui a assisté à l’événement d’Ottawa. “Mais j’ai été vraiment impressionné par le niveau de discussion politique substantielle. Ces jeunes créent quelque chose qui est devenu de plus en plus rare dans la politique canadienne – un espace où les idées peuvent être évaluées sur leurs mérites plutôt que par qui les a proposées.”
L’influence du mouvement commence également à s’étendre à la politique électorale. Plusieurs candidats municipaux aux prochaines élections ont signé “l’Engagement transpartisan” du groupe, s’engageant à axer leurs campagnes sur des solutions politiques plutôt que sur l’identité partisane et à reconnaître quand les adversaires politiques proposent de bonnes idées.
Les critiques se demandent si l’initiative peut survivre dans un écosystème médiatique et un environnement de médias sociaux qui récompensent souvent la rhétorique inflammatoire et le partisanisme simpliste. Pourtant, les premiers succès suggèrent que l’approche a touché une corde sensible auprès d’un public de plus en plus épuisé par le tribalisme politique.
“Le plus grand malentendu est que nous demandons aux gens d’abandonner leurs principes ou de se rencontrer dans un milieu mou,” explique Tariq Williams, l’un des organisateurs du mouvement à Vancouver. “Nous demandons en fait le contraire – s’engager plus profondément dans les enjeux, comprendre la complexité et reconnaître que de bonnes solutions peuvent venir de sources inattendues.”
Alors que le Canada s’approche de ce que les analystes prédisent être un cycle électoral fédéral particulièrement divisé, la question demeure: cette poussée menée par les jeunes pour un dialogue politique plus constructif peut-elle s’étendre assez rapidement pour influencer la culture politique plus large? Ou les puissantes forces du partisanisme finiront-elles par l’emporter?