Dans un revers important pour les efforts de réconciliation, les négociations entre le gouvernement fédéral et l’Assemblée des Premières Nations (APN) concernant la réforme de la protection de l’enfance autochtone ont atteint une impasse préoccupante. Les responsables d’Ottawa ont révélé cette semaine que les pourparlers sont effectivement au point mort, citant ce qu’ils décrivent comme des “demandes déraisonnables” de la part des dirigeants de l’APN qui, selon eux, dépassent la portée du mandat initial.
Les négociations, qui ont débuté suite à une décision historique du Tribunal canadien des droits de la personne en 2016 concluant que le gouvernement fédéral avait fait preuve de discrimination envers les enfants des Premières Nations dans sa prestation des services de protection de l’enfance, visaient à établir un nouveau cadre qui remédierait aux inégalités de longue date dans le système.
“Nous avons entamé ces discussions avec un engagement sincère envers un changement transformateur,” a déclaré la ministre des Services aux Autochtones, Patty Hajdu, dans une déclaration obtenue par CO24 News. “Cependant, nous ne pouvons pas poursuivre lorsque des demandes fondamentales dépassent notre autorité constitutionnelle ou les cadres fiscaux établis.”
Les dirigeants de l’APN ont vivement contesté cette caractérisation, la cheffe nationale Cindy Woodhouse Nepinak soutenant que le gouvernement “se soustrait à ses obligations envers les enfants des Premières Nations.” Lors d’une conférence de presse hier, elle a souligné que les propositions de l’APN reflètent les exigences minimales nécessaires pour remédier aux générations de préjudices causés par les politiques coloniales de protection de l’enfance.
“Il ne s’agit pas de demandes déraisonnables, mais de mettre fin à un système qui continue de séparer les enfants autochtones de leurs familles, communautés et cultures à des taux disproportionnés,” a affirmé Nepinak. “Les traumatismes infligés par ces politiques se répercutent sur plusieurs générations.”
Au cœur du différend se trouvent des visions concurrentes de ce qu’implique une réforme significative. Le gouvernement maintient que les demandes de l’APN pour une juridiction élargie et des augmentations substantielles de financement dépassent ce qui avait été initialement convenu. De leur côté, les défenseurs des Premières Nations insistent sur le fait que des changements superficiels au système existant ne parviendront pas à s’attaquer aux causes profondes de la crise.
Selon les données de Canada News, les enfants autochtones représentent seulement 7,7 % de la population enfantine, mais constituent plus de 52 % des enfants placés en famille d’accueil – une disparité que les experts attribuent au racisme systémique, aux traumatismes intergénérationnels des pensionnats et au sous-financement chronique des services de prévention.
Cette rupture survient malgré l’adoption en 2019 du projet de loi C-92, une législation qui affirme le droit inhérent des Premières Nations d’exercer leur juridiction sur les services à l’enfance et à la famille. La mise en œuvre de cette loi s’est heurtée à de nombreux obstacles, notamment la résistance provinciale et l’insuffisance des ressources pour les communautés cherchant à développer leurs propres systèmes de protection de l’enfance.
Des experts juridiques observant les négociations suggèrent que l’impasse reflète des tensions plus profondes dans la politique canadienne concernant la réconciliation et la souveraineté autochtone.
“Le gouvernement veut conserver le contrôle ultime tout en donnant l’impression de déléguer l’autorité,” explique Dre Pamela Palmater, titulaire de la Chaire en gouvernance autochtone à l’Université métropolitaine de Toronto. “Mais une réforme significative nécessite un changement fondamental dans les relations de pouvoir, pas simplement des ajustements progressifs à un système défaillant.”
Pour des milliers de familles autochtones à travers le Canada, l’enjeu de ces négociations ne pourrait être plus important. Le système de protection de l’enfance a été décrit par de nombreux leaders autochtones comme une continuation moderne des pensionnats et de la rafle des années 60 – des politiques explicitement conçues pour séparer les enfants autochtones de leurs communautés et cultures.
Des analyses économiques publiées dans CO24 Business indiquent qu’investir dans des services de protection de l’enfance préventifs et culturellement appropriés permettrait non seulement de réduire les séparations familiales, mais aussi d’économiser potentiellement des milliards en coûts de services sociaux à long terme. Des exemples internationaux comme la Nouvelle-Zélande, qui a mis en œuvre des approches de protection de l’enfance dirigées par les Autochtones, démontrent de meilleurs résultats pour les enfants tout en réduisant l’implication du système.
Alors que les deux parties se retirent pour reconsidérer leurs positions, les défenseurs craignent que les véritables victimes de cette impasse soient les enfants et les familles pris dans un système largement reconnu comme préjudiciable. Cindy Blackstock, défenseure de la protection de l’enfance des Premières Nations, dont l’organisation a initié la plainte en matière de droits de la personne qui a déclenché ces réformes, a appelé à un engagement renouvelé de toutes les parties.
“Ce n’est pas un jeu politique – il s’agit de la vie des enfants,” a souligné Blackstock dans une récente entrevue. “Chaque jour de retard signifie plus de familles inutilement séparées, plus de liens culturels rompus.”
Alors que cette impasse se déroule dans le contexte des efforts de réconciliation plus larges du Canada, nous devons nous demander : une guérison significative peut-elle avoir lieu lorsque des désaccords fondamentaux persistent quant à qui devrait détenir le pouvoir sur le bien-être des enfants autochtones? La réponse pourrait déterminer si l’engagement déclaré du Canada envers la réconciliation représente une transformation authentique ou simplement une rhétorique d’aspiration.