La crise sanitaire silencieuse qui a émergé parallèlement à la COVID-19 a finalement été quantifiée, avec de nouvelles recherches confirmant ce que les professionnels de la santé soupçonnaient depuis longtemps : les taux d’obésité au Canada ont considérablement augmenté pendant les années de pandémie. L’analyse des données sanitaires nationales révèle que les restrictions de mouvement, les routines perturbées et les niveaux de stress accrus ont créé le contexte parfait pour une prise de poids dans tous les groupes démographiques.
“Nous constatons les conséquences préoccupantes des confinements prolongés et des changements de mode de vie,” explique Dre Miranda Chen, spécialiste de l’obésité à l’Hôpital général de Toronto. “Ce qui a commencé comme des mesures temporaires pour combattre le virus s’est traduit par des impacts durables sur la santé de nombreux Canadiens.”
Selon Statistique Canada, environ 26,6 % des adultes canadiens sont maintenant considérés comme obèses — une augmentation de 3,2 points de pourcentage depuis 2019. Cela représente environ 800 000 Canadiens supplémentaires qui ont franchi le seuil clinique de l’obésité en seulement trois ans, un taux d’augmentation sans précédent au cours des dernières décennies.
L’impact de la pandémie ne s’est pas limité à la diminution de l’activité physique. Les chercheurs en santé publique soulignent une interaction complexe de facteurs qui a créé ce que certains experts appellent une “tempête métabolique parfaite.” Le télétravail a éliminé les déplacements quotidiens et l’exercice occasionnel. L’anxiété accrue a favorisé les comportements alimentaires de réconfort, tandis que les incertitudes économiques ont conduit de nombreux ménages à opter pour des aliments transformés moins chers mais plus caloriques plutôt que des alternatives fraîches.
“La pandémie a fondamentalement modifié notre relation avec la nourriture et le mouvement,” note Dr Raymond Tellier, épidémiologiste à l’Université McGill. “De nombreux Canadiens se sont retrouvés pris entre l’utilisation de la nourriture comme réconfort pendant un stress sans précédent et la diminution des occasions de pratiquer une activité physique.”
Les implications pour la santé vont bien au-delà de l’esthétique. L’Association médicale canadienne avertit que cette vague d’obésité menace de submerger un système de santé déjà sous pression, potentiellement en provoquant des augmentations du diabète de type 2, des maladies cardiovasculaires et certains cancers dans les années à venir.
Les réponses provinciales ont été très variées. La Colombie-Britannique a élargi la couverture des médicaments pour la gestion du poids, tandis que le Québec a récemment annoncé une initiative de 45 millions de dollars ciblant la prévention de l’obésité infantile. Cependant, les critiques soutiennent que ces efforts ne s’attaquent pas aux facteurs systémiques qui rendent le maintien d’un poids santé de plus en plus difficile dans la société canadienne moderne.
“Nous devons reconnaître l’obésité comme une maladie chronique complexe, et non comme un choix de mode de vie,” souligne Dre Chen. “La pandémie n’a fait qu’accélérer les tendances existantes qui rendaient les Canadiens de plus en plus vulnérables à la prise de poids.”
Les analystes économiques de l’Institut canadien d’information sur la santé estiment que les coûts supplémentaires de soins de santé associés à cette augmentation de l’obésité pourraient atteindre 7,5 milliards de dollars par an d’ici 2030 si les efforts d’intervention s’avèrent insuffisants.
Les programmes communautaires montrent des résultats prometteurs dans les premières évaluations. À Winnipeg, l’initiative “Reconnexion à la santé” a aidé les participants à perdre en moyenne 6,4 kg grâce à des groupes de marche de quartier et des conseils nutritionnels virtuels. Des efforts similaires ont émergé partout au pays, souvent menés par des professionnels de la santé qui offrent bénévolement leur expertise.
Alors que le Canada émerge de la phase aiguë de la pandémie, les autorités sanitaires sont confrontées à des questions difficiles concernant la priorisation de la prévention de l’obésité parmi d’autres préoccupations sanitaires urgentes. Allons-nous traiter cette augmentation comme une anomalie temporaire ou la reconnaître comme un signal d’alarme exigeant une réforme politique globale? La réponse pourrait déterminer la trajectoire de la santé publique pour toute une génération.