Dans un bras de fer qui s’intensifie entre l’autonomie municipale et l’autorité provinciale, les communautés d’Oak Bay et de West Vancouver se trouvent à la croisée des chemins alors que le ministre du Logement de la Colombie-Britannique accentue la pression sur ces municipalités aisées pour qu’elles se conforment aux directives provinciales en matière de logement.
Le ministre du Logement, Ravi Kahlon, a pris des mesures sans précédent cette semaine, signalant que la province est prête à intervenir directement si ces municipalités n’approuvent pas suffisamment de logements pour atteindre leurs objectifs imposés par la province. L’avertissement sévère du ministre s’inscrit dans la stratégie plus large du gouvernement néo-démocrate de la C.-B. visant à remédier à la pénurie persistante de logements dans la province.
“Les communautés qui ont historiquement résisté à la densification ne peuvent plus maintenir le statu quo,” a déclaré Kahlon lors d’une conférence de presse à Victoria. “Chaque municipalité doit contribuer à résoudre notre crise du logement, particulièrement celles disposant d’infrastructures importantes et d’un accès aux ressources.”
La Loi sur l’approvisionnement en logements, adoptée en 2022, confère à la province le pouvoir de fixer des objectifs spécifiques pour les municipalités jugées prioritaires. Oak Bay et West Vancouver, toutes deux caractérisées par de grands terrains, un zonage exclusif et des valeurs immobilières élevées, ont été identifiées comme des zones où l’intensification du logement pourrait avoir un impact significatif sur l’offre sans nécessiter d’importants développements d’infrastructures.
Le maire d’Oak Bay, Kevin Murdoch, a exprimé sa frustration face à ce qu’il décrit comme “une approche autoritaire” de la province. “Nous ne sommes pas opposés à l’augmentation de l’offre de logements, mais nous avons besoin de solutions qui respectent le caractère de notre communauté et les limites de notre infrastructure,” a déclaré Murdoch dans une entrevue avec CO24 News.
Les objectifs fixés exigent qu’Oak Bay approuve 664 nouveaux logements d’ici 2028, tandis que West Vancouver doit donner son feu vert à 1 432 unités. Les données provinciales indiquent que les deux municipalités sont actuellement en deçà de ces repères.
Des experts en urbanisme soulignent que ces communautés ont historiquement maintenu des pratiques de zonage exclusives qui ont contribué à la crise d’abordabilité du logement dans la région. “Le zonage unifamilial dans des emplacements privilégiés proches des centres urbains empêche effectivement la diversité et l’accessibilité du logement,” a expliqué Dre Margaret Chen, professeure d’études urbaines à l’Université de la Colombie-Britannique, dans des commentaires à CO24 Canada News.
Ce conflit met en lumière une tension fondamentale dans la politique canadienne entre la gouvernance locale et la juridiction provinciale. Bien que les municipalités tirent leurs pouvoirs de la législation provinciale, elles ont traditionnellement exercé une autonomie considérable en matière d’aménagement du territoire.
Des amendements récents à la Loi sur l’approvisionnement en logements ont renforcé les mécanismes d’application de la province, y compris la capacité de nommer des administrateurs qui peuvent directement approuver des projets de logement si les municipalités ne parviennent pas à atteindre leurs objectifs.
Le conseiller de West Vancouver, Peter Lambur, a reconnu la pression mais a souligné les préoccupations concernant la capacité des infrastructures. “Nous sommes engagés dans une croissance responsable, mais un développement rapide sans investissements correspondants dans les transports, les systèmes d’eau et les services communautaires crée de nouveaux problèmes,” a-t-il déclaré à CO24 Business.
L’analyse des valeurs immobilières dans les deux communautés révèle des prix médians dépassant 2 millions de dollars, ce qui les place parmi les marchés immobiliers les plus exclusifs du Canada. Les défenseurs du logement soutiennent que ces communautés ont l’obligation morale de créer des options de logement plus diversifiées.
“Ce sont des communautés avec d’excellentes écoles, parcs et services, tous soutenus par les contribuables provinciaux,” a noté Jill Atkey, PDG de la BC Non-Profit Housing Association. “Maintenir ces équipements accessibles uniquement aux nantis par le biais d’un zonage restrictif est de plus en plus difficile à justifier.”
La province a indiqué qu’elle examinera les progrès en septembre, avec une intervention potentielle peu après si les municipalités ne démontrent pas d’avancées suffisantes vers leurs objectifs.
Alors que ce bras de fer se déroule, une question plus large se pose pour les communautés à travers le Canada : à une époque de pénuries aiguës de logements, comment équilibrer le contrôle démocratique local avec le besoin urgent de s’attaquer à une crise qui transcende les frontières municipales?