Dans un développement stupéfiant qui a mobilisé les biologistes marins, le plus grand requin blanc mâle jamais enregistré dans l’océan Atlantique a refait surface dans les eaux canadiennes au large de Terre-Neuve. Le prédateur massif, surnommé “Atlas” par les chercheurs qui l’ont balisé en 2022, a été détecté cette semaine à environ 15 kilomètres à l’est de Saint-Jean, suscitant une vague d’enthousiasme tant dans les communautés scientifiques que parmi les opérations de pêche locales.
Avec une taille estimée à 6,1 mètres et un poids d’environ 2 200 kilogrammes, Atlas représente une véritable mine d’or scientifique pour les chercheurs de l’Institut de conservation marine de l’Atlantique, qui suivent les déplacements des grands requins blancs le long de la côte est depuis une décennie.
“C’est une occasion extraordinaire de recueillir des données cruciales,” explique Dre Camille Richardson, biologiste marine en chef au Centre de recherche océanique de Terre-Neuve. “L’apparition d’Atlas dans ces eaux nordiques remet en question nos hypothèses antérieures sur les schémas migratoires des grands requins blancs, particulièrement compte tenu des relevés de température inhabituels que nous avons enregistrés cette saison.”
Le dispositif de suivi du requin, fixé lors d’une expédition en 2022 près de la Nouvelle-Écosse, a transmis des données indiquant que l’animal a parcouru plus de 7 800 kilomètres depuis son premier balisage, avec des déplacements s’étendant jusqu’à la côte de la Floride avant son voyage inattendu vers le nord à Terre-Neuve.
Cette remarquable migration nordique coïncide avec ce que les climatologues d’Environnement Canada qualifient de “changements sans précédent” dans les courants de l’océan Atlantique, avec des températures de l’eau au large de Terre-Neuve supérieures de 2,3 degrés Celsius aux moyennes saisonnières. De nombreux spécialistes du climat estiment que ces changements pourraient rediriger les espèces-proies traditionnelles vers de nouveaux terrains de chasse, modifiant par conséquent les déplacements des prédateurs.
Pour les communautés côtières le long du littoral est de Terre-Neuve, la présence d’un prédateur aussi imposant a incité les autorités à mettre en place des restrictions temporaires de baignade sur les plages populaires, bien que les responsables soulignent que les grands requins blancs représentent rarement une menace significative pour les humains.
“Nous prenons les précautions appropriées, mais c’est davantage une cause de célébration scientifique que d’inquiétude publique,” a noté Marian Thompson, directrice de la sécurité maritime pour la province. “Atlas s’intéresse beaucoup plus aux populations de phoques qu’aux baigneurs.”
Le moment de cette observation s’est avéré propice pour les chercheurs canadiens, coïncidant avec l’augmentation du financement fédéral pour les efforts de conservation marine annoncée le mois dernier. Le ministère des Pêches et des Océans a alloué 12,7 millions de dollars supplémentaires au suivi des prédateurs apex dans les eaux canadiennes, en mettant particulièrement l’accent sur la compréhension de la façon dont les changements climatiques modifient les écosystèmes marins.
Pour les habitants des communautés côtières de Terre-Neuve, l’apparition du grand requin blanc a suscité à la fois prudence et curiosité. Les opérateurs touristiques locaux signalent un intérêt croissant pour les excursions en mer, bien que les autorités aient établi des directives strictes pour éviter le harcèlement de l’animal.
“Il ne s’agit pas seulement de voir un requin énorme,” explique James Morrissey, qui organise des écotours depuis sa base à Petty Harbour. “Il s’agit d’être témoin d’un élément vivant de l’histoire naturelle et de comprendre notre responsabilité de protéger ces magnifiques créatures et leur environnement.”
Alors que les scientifiques continuent de surveiller les déplacements d’Atlas, la question plus large qui émerge de cette observation remarquable demeure : sommes-nous témoins d’une anomalie temporaire dans le comportement des grands requins blancs, ou cela signale-t-il un changement fondamental dans les écosystèmes marins qui pourrait remodeler les eaux côtières du Canada pour les générations à venir?