Dans une décision sans précédent qui a secoué le secteur de l’éducation, le gouvernement de l’Ontario a nommé un superviseur financier pour surveiller le Conseil scolaire du district d’Ottawa-Carleton (CSDOC), prenant effectivement le contrôle des opérations financières du conseil après des mois de turbulences budgétaires.
Le ministre de l’Éducation, Stephen Lecce, a annoncé cette nomination mercredi, citant la décision “irresponsable” du conseil d’approuver un budget déficitaire d’environ 17 millions de dollars pour l’année scolaire 2024-25. C’est la première fois depuis plus de vingt ans que la province prend des mesures aussi drastiques contre un conseil scolaire urbain majeur.
“Après des avertissements répétés et plusieurs occasions de corriger le tir, les conseillers du CSDOC ont échoué dans leur responsabilité fondamentale d’équilibrer leur budget comme l’exige la loi,” a déclaré Lecce lors d’une conférence de presse. “Cette intervention est nécessaire pour protéger les élèves et les contribuables contre une mauvaise gestion financière.”
Le superviseur nommé, Bruce Rodrigues, ancien sous-ministre de l’Éducation et PDG de l’Office de la qualité et de la responsabilité en éducation, assumera immédiatement l’autorité sur toutes les décisions financières. Bien que les conseillers élus resteront en poste, ils seront privés de leurs pouvoirs de vote sur les questions budgétaires jusqu’à ce que le conseil retrouve une stabilité financière.
La présidente du CSDOC, Lyra Evans, a exprimé sa frustration face à la décision de la province, soutenant que le sous-financement chronique des programmes d’éducation spécialisée et l’augmentation des coûts liés à l’inflation ont laissé le conseil face à des choix impossibles.
“Nous avons pris des décisions difficiles basées sur les besoins de nos élèves les plus vulnérables,” a déclaré Evans. “La province a constamment transféré des responsabilités sans fournir un financement adéquat pour les soutenir.”
Cette intervention fait suite à des mois de tensions croissantes entre le gouvernement provincial et le conseil. En juin, les conseillers ont rejeté les recommandations du personnel concernant des coupes qui auraient éliminé 134 postes, notamment des assistants en éducation et du personnel de soutien spécialisé. Ils ont plutôt approuvé un budget déficitaire qui préservait la plupart des services directs aux élèves.
Selon l’analyse de CO24 Éducation, les conseils scolaires de l’Ontario sont légalement tenus de maintenir des budgets équilibrés en vertu de la Loi sur l’éducation. Le CSDOC rejoint maintenant un petit groupe de conseils qui ont fait l’objet d’une supervision provinciale au cours des trois dernières décennies, notamment le Conseil scolaire catholique de Toronto en 2008 et le Conseil scolaire catholique de Windsor-Essex en 2012.
Les groupes de parents semblent divisés sur cette intervention. L’Assemblée des conseils scolaires d’Ottawa-Carleton a qualifié cette mesure de “brutale”, tandis que d’autres ont exprimé l’espoir que la surveillance provinciale pourrait mener à des modèles de financement plus durables.
“Les parents sont pris au milieu de ce qui est devenu une impasse politique,” a déclaré Jennifer Adams, mère de deux élèves du CSDOC. “Nous voulons simplement des écoles stables et bien financées pour nos enfants.”
Les experts en politique éducative notent que ce conflit met en lumière des tensions plus larges dans le modèle de financement de l’éducation en Ontario, qui a du mal à suivre les pressions inflationnistes et les demandes croissantes en matière d’éducation spécialisée.
“Cette situation n’est pas unique à Ottawa,” a expliqué Dr. Priya Singh, chercheuse en politique éducative à l’Université de Toronto. “De nombreux conseils à travers l’Ontario font des coupes douloureuses pour équilibrer leurs budgets, mais la plupart ont évité les déficits par crainte précisément de ce type d’intervention provinciale.”
Le superviseur restera en place jusqu’à ce que le ministère de l’Éducation détermine que le conseil est revenu à une assise financière solide, ce qui pourrait prendre de plusieurs mois à plusieurs années, selon les interventions précédentes.
Alors que les élèves se préparent à retourner en classe en septembre, la question fondamentale demeure : à une époque de coûts croissants et de besoins complexes des élèves, le modèle de financement de l’éducation de l’Ontario est-il toujours adapté, ou sommes-nous témoins du début d’une lutte de pouvoir plus large entre la province et les municipalités sur qui contrôle véritablement notre système d’éducation publique?