Dans une initiative novatrice visant à remédier à la pénurie persistante de médecins au Canada, l’Île-du-Prince-Édouard s’est associée à l’Université McMaster pour lancer un programme innovant conçu pour aider les médecins formés à l’étranger à exercer la médecine au Canada. L’initiative, annoncée jeudi, représente l’une des approches les plus complètes à ce jour pour intégrer les diplômés internationaux en médecine dans notre système de santé.
Le programme accueillera initialement 10 médecins formés à l’international résidant actuellement à l’Î.-P.-É. qui n’ont pas pu obtenir de permis d’exercice canadien malgré leurs qualifications. Ces médecins, dont beaucoup ont des années d’expérience dans leur pays d’origine, suivront une formation spécialisée à la réputée faculté de médecine de l’Université McMaster tout en maintenant leur résidence à l’Î.-P.-É.
“Il s’agit de reconnaître le potentiel inexploité présent dans nos communautés,” a déclaré Dre Eleanor Sullivan, ministre de la Santé et du Bien-être de l’Î.-P.-É. “Nous avons des médecins hautement qualifiés qui vivent ici, travaillant parfois dans des domaines complètement sans rapport, alors que notre système de santé a désespérément besoin de plus de médecins.”
Le programme aborde l’un des obstacles les plus importants auxquels sont confrontés les médecins formés à l’étranger : naviguer dans les exigences complexes d’accréditation du Canada. Les diplômés internationaux en médecine doivent généralement réussir plusieurs examens, compléter une formation en résidence et surmonter de nombreux obstacles bureaucratiques avant de pouvoir exercer—un processus qui peut prendre des années et coûter des dizaines de milliers de dollars.
La participation de l’Université McMaster apporte une crédibilité substantielle à l’initiative. L’établissement basé à Hamilton a développé un programme adapté qui se concentre sur la familiarisation des médecins internationaux avec les protocoles de soins de santé canadiens, l’éthique médicale et les compétences culturelles tout en reconnaissant leurs connaissances médicales existantes.
“Ce sont déjà des médecins formés,” a expliqué Dr Paul O’Byrne, doyen de la Faculté des sciences de la santé de McMaster. “Notre rôle n’est pas de leur enseigner la médecine depuis le début, mais de les aider à adapter leurs compétences au contexte canadien et à les préparer à nos examens d’accréditation.”
Les implications économiques du programme vont au-delà des soins de santé. Des études montrent que chaque médecin en exercice génère environ 2,1 millions de dollars d’activité économique annuellement tout en soutenant en moyenne cinq emplois supplémentaires dans la communauté.
Pour les participants comme Dre Amina Patel, qui a pratiqué la médecine interne en Inde pendant huit ans avant d’immigrer au Canada il y a trois ans, le programme offre de l’espoir. “Je travaille comme technicienne de laboratoire depuis mon arrivée ici,” a-t-elle déclaré. “Avoir l’opportunité d’exercer la médecine à nouveau—d’utiliser ma formation et d’aider les patients—signifie tout pour moi.”
L’Î.-P.-É., la plus petite province du Canada, fait face à des défis de santé particulièrement aigus, avec près de 30 000 résidents—presque 18 % de la population—n’ayant pas accès à un médecin de famille. Si elle réussit, les responsables provinciaux espèrent élargir le programme dans les années à venir.
L’initiative survient alors qu’on reconnaît de plus en plus au niveau national que l’intégration des diplômés internationaux en médecine doit faire partie de la solution à la crise de santé du Canada. Des programmes similaires sont envisagés en Colombie-Britannique, au Manitoba et à Terre-Neuve-et-Labrador.
“Il ne s’agit pas seulement de combler les postes vacants immédiats,” a souligné Dr Michael Warren, analyste des politiques de santé à l’Association médicale canadienne. “Il s’agit de créer des voies durables pour que les médecins internationaux qualifiés puissent contribuer à notre système de santé pendant des décennies.”
La première cohorte commencera sa formation en janvier 2024, et les participants devraient être prêts pour une accréditation provisoire dans les 18 mois. Le programme comprend des stages cliniques dans les communautés rurales de l’Î.-P.-É. où les pénuries de médecins sont les plus graves.
Alors que le Canada continue de faire face à des demandes croissantes en matière de soins de santé dans un contexte de vieillissement de la population, une question demeure centrale dans notre conversation nationale : pourquoi a-t-il fallu si longtemps pour créer des voies simplifiées pour des milliers de médecins internationaux qualifiés vivant déjà à l’intérieur de nos frontières?