Pénurie de travailleurs en soins de longue durée au Canada : pourquoi un vétéran a quitté son emploi

Olivia Carter
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Le réveil a tiré Marianne Kenton de son sommeil à 4h30 du matin, l’obscurité à sa fenêtre lui rappelant le quart de travail épuisant de 12 heures qui l’attendait. Pendant huit ans, elle avait maintenu cet horaire exténuant au Centre de soins de longue durée Willow Creek à Burlington, en Ontario. Mais un matin glacial de février dernier, quelque chose s’est brisé en elle.

“Je me suis assise au bord de mon lit et je ne pouvais plus bouger,” se souvient Kenton, 43 ans, la voix légèrement tremblante pendant notre entretien. “Je savais que je m’occuperais encore de 15 résidents toute seule. Je n’en pouvais tout simplement plus.”

L’expérience de Kenton reflète une crise grandissante dans le secteur des soins de longue durée au Canada, où les pénuries de personnel ont atteint des niveaux sans précédent. Des données récentes de l’Institut canadien d’information sur la santé révèlent que les établissements de soins résidentiels à travers le pays fonctionnent avec environ 30% moins de préposés aux bénéficiaires que nécessaire pour des soins optimaux.

“La pandémie a exposé des vulnérabilités systémiques qui existent depuis des décennies,” explique Dre Helena Jaczek, chercheuse en politique de santé à l’Université de Toronto. “Mais ce que nous constatons maintenant est un exode accéléré par l’épuisement professionnel, une rémunération inadéquate et des conditions de travail de plus en plus difficiles.”

Pour Kenton, le point de rupture est venu progressivement. Son établissement, comme beaucoup d’autres en Ontario, a lutté pour maintenir des ratios de personnel adéquats après la pandémie de COVID-19. Les données provinciales indiquent que près de 4 500 travailleurs de soins de longue durée ont quitté la profession depuis 2020, créant un vide que les employeurs peinent à combler.

“Nous avions quatre préposés par unité quand j’ai commencé en 2015,” explique Kenton. “L’année dernière, j’étais souvent seule responsable de laver, nourrir, changer et médicamenter quinze personnes âgées, dont beaucoup avec des besoins complexes, y compris la démence.”

Les pressions économiques qui touchent le secteur aggravent le problème. Malgré l’augmentation du salaire minimum en Ontario à 16,55 $ l’heure, de nombreux préposés gagnent à peine plus que ce seuil malgré la nature physiquement et émotionnellement exigeante de leur travail. Les analystes de l’industrie notent que les secteurs concurrents comme le commerce de détail et l’hôtellerie offrent maintenant des salaires comparables sans les exigences physiques ou le fardeau émotionnel.

Sandi Johnson, porte-parole de la division des soins de santé du Syndicat canadien de la fonction publique, souligne des problèmes systémiques au-delà de la rémunération. “Nos membres signalent des conditions de travail dangereuses, des fournitures limitées, des heures supplémentaires obligatoires et une violence croissante de la part des résidents qui ne reçoivent pas des soins adéquats. L’impact psychologique est dévastateur.”

Cette réalité se reflète dans des statistiques alarmantes. WorkSafeBC rapporte que les travailleurs de soins subissent des blessures à un taux presque quatre fois supérieur à la moyenne provinciale, tandis qu’une enquête récente de la Fédération canadienne des syndicats d’infirmières et infirmiers a révélé que 87% du personnel de soins de longue durée a signalé des symptômes d’épuisement professionnel au cours de la dernière année.

Les conséquences s’étendent au-delà des travailleurs jusqu’aux résidents eux-mêmes. Les membres des familles signalent de plus en plus des lacunes préoccupantes dans les soins. Margaret Holloway, dont le père de 92 ans réside dans un établissement d’Ottawa, raconte l’avoir trouvé assis dans des vêtements souillés pendant des heures. “Le personnel qui reste fait de son mieux, mais il n’y en a tout simplement pas assez,” explique-t-elle.

Les gouvernements provinciaux ont annoncé diverses initiatives pour faire face à la crise. L’Ontario a récemment alloué 673 millions de dollars pour recruter et retenir des préposés, incluant des subventions à l’éducation et des augmentations salariales temporaires. La Colombie-Britannique a mis en œuvre de nouveaux ratios personnel-résidents, tandis que l’Alberta a lancé un programme de formation accélérée visant à intégrer 1 000 nouveaux travailleurs dans le système d’ici la fin de l’année.

Cependant, les critiques soutiennent que ces mesures ne s’attaquent pas aux problèmes fondamentaux. “Les solutions rapides ne résoudront pas un problème enraciné dans la façon dont nous valorisons le travail de soins dans notre société,” affirme Dre Pat Armstrong, professeure émérite de recherche à l’Université York et experte en soins de longue durée. “Nous avons besoin d’un changement transformationnel dans la façon dont ces emplois sont structurés, rémunérés et soutenus.”

Pour Kenton, qui travaille maintenant dans l’administration hospitalière, quitter les soins de longue durée a été doux-amer. “J’aimais mes résidents. Ils étaient devenus ma famille,” dit-elle, en faisant une pause pour se ressaisir. “Mais je ne pouvais pas leur fournir les soins qu’ils méritaient dans ces conditions. Finalement, vous devez choisir votre propre bien-être.”

Les experts de l’industrie prévoient que la situation pourrait s’aggraver avant de s’améliorer. On s’attend à ce que le vieillissement de la population canadienne augmente la demande de soins de longue durée d’environ 40% au cours de la prochaine décennie, selon les projections de Santé Canada. Sans intervention substantielle, la crise actuelle de personnel menace de devenir un échec catastrophique des soins.

Alors que notre population vieillissante augmente et que les demandes de soins s’intensifient, une question pressante se pose : le Canada trouvera-t-il la volonté politique et l’engagement sociétal pour transformer les soins de longue durée en un cheminement de carrière durable avant que le système ne s’effondre complètement?

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