La crise silencieuse de l’insécurité alimentaire a atteint des niveaux alarmants à Mission, où les bénévoles de la banque alimentaire locale font face à des étagères de plus en plus vides dans un contexte de demande sans précédent. La bénévole de longue date Joan Kruk a été témoin de cette transformation, décrivant des scènes qui auraient été inimaginables il y a quelques années.
“Nous voyons des personnes qui n’auraient jamais pensé avoir besoin d’une banque alimentaire,” explique Kruk lors d’un quart de travail jeudi après-midi à la banque alimentaire St. Joseph’s. “Des professionnels, des ménages à deux revenus, des aînés avec des revenus fixes—tous peinent à joindre les deux bouts alors que les prix des denrées continuent de grimper hors de portée.”
Les statistiques dressent un tableau préoccupant. L’utilisation des banques alimentaires dans la vallée du Fraser a augmenté de plus de 40% depuis 2021, les établissements de Mission signalant certaines des hausses les plus importantes. Pendant ce temps, les dons ont chuté de près de 25% au cours de la même période, créant une tempête parfaite de pénurie.
Le coordinateur de la banque alimentaire, Marcus Chen, attribue cette pénurie à plusieurs facteurs. “Nous subissons le double impact de l’inflation—plus de personnes ont besoin d’aide tandis que moins de personnes peuvent se permettre de faire des dons. Nos contributeurs réguliers ressentent eux-mêmes la pression.”
Les étagères qui débordaient autrefois de conserves, de pâtes et de céréales sont maintenant partiellement vides. Les bénévoles ont été contraints de réduire le contenu des paniers alimentaires, remplaçant parfois les aliments nutritifs par ce qui reste disponible.
“Le plus difficile, c’est quand des familles avec enfants se présentent,” confie Kruk. “Nous pouvions auparavant offrir des extras pour les enfants—des collations santé, du lait, du jus. Maintenant, nous avons du mal à répondre même aux besoins de base.”
Les entreprises locales ont tenté de combler le vide, plusieurs épiceries de Mission ayant mis en place des bacs de dons et des promotions spéciales. La Société des services communautaires de Mission a également lancé un appel d’urgence via leur site web, encourageant les résidents à contribuer selon leurs moyens.
“Chaque don compte, quelle que soit sa taille,” souligne Chen. “Une simple boîte de soupe peut sembler insignifiante pour le donateur, mais elle représente un repas pour quelqu’un qui pourrait autrement avoir faim.”
La crise s’étend au-delà des frontières de Mission. Les banques alimentaires partout au Canada signalent des défis similaires, beaucoup décrivant 2023 comme l’année la plus difficile de mémoire récente. Les analystes économiques pointent les effets combinés des coûts du logement, de l’inflation et de la stagnation des salaires comme principaux facteurs de l’insécurité alimentaire accrue.
Les responsables provinciaux ont reconnu le problème, le ministère du Développement social et de la Réduction de la pauvreté de la Colombie-Britannique annonçant des plans pour revoir les programmes d’aide. Cependant, un soulagement immédiat reste inaccessible pour ceux qui souffrent actuellement de la faim.
Pour des bénévoles comme Kruk, la solution nécessite une mobilisation à l’échelle communautaire. “Nous avons besoin que chacun reconnaisse que la sécurité alimentaire n’est pas le problème de quelqu’un d’autre—elle touche nos voisins, nos collègues, et potentiellement chacun d’entre nous dans certaines circonstances.”
Alors que Mission entre dans les mois d’hiver, traditionnellement la saison la plus chargée pour les banques alimentaires, les organisateurs s’inquiètent de répondre aux besoins de la communauté sans augmentation significative des dons. La banque alimentaire a élargi ses heures d’ouverture et son effectif de bénévoles, mais ces mesures ne peuvent pas compenser la pénurie fondamentale de denrées.
Que dit-il de notre société quand des familles qui travaillent doivent choisir entre payer le loyer et mettre de la nourriture sur la table? Alors que la crise de la banque alimentaire de Mission s’aggrave, cette question exige non seulement notre attention mais aussi notre action.