Le sort des citoyens canadiens qui languissent dans des camps de détention au nord-est de la Syrie s’est transformé en un défi formel en matière de droits de la personne contre le gouvernement fédéral. Vingt-six hommes canadiens et un nombre non divulgué d’enfants ont déposé des plaintes auprès de la Commission canadienne des droits de la personne, alléguant que le refus d’Ottawa de les rapatrier constitue une discrimination fondée sur la religion, la race et l’origine nationale.
“Ces Canadiens ont été abandonnés dans des conditions mettant leur vie en danger pendant que leur gouvernement ferme les yeux,” a déclaré Lawrence Greenspon, l’avocat basé à Ottawa qui représente les détenus. “Plusieurs sont détenus sans accusations ni procès depuis plus de cinq ans dans des installations où la torture, les maladies et la violence sont monnaie courante.”
Les détenus, retenus dans des camps contrôlés par les forces kurdes, font partie des milliers d’étrangers capturés lors de la défaite territoriale du groupe État islamique. Alors que plusieurs nations occidentales, dont la France, l’Allemagne et l’Australie, ont rapatrié bon nombre de leurs citoyens, la réponse du Canada a été nettement plus réticente et fragmentaire.
Selon les documents déposés auprès de la commission, les plaignants soutiennent que la politique du gouvernement représente un “schéma clair de discrimination” contre les Canadiens musulmans d’origine moyen-orientale. La plainte détaille comment ces détenus font face à un traitement substantiellement différent par rapport aux autres Canadiens nécessitant une assistance consulaire à l’étranger.
“Les preuves suggèrent fortement un système de citoyenneté à deux vitesses,” a expliqué Farida Deif, directrice canadienne de Human Rights Watch. “Lorsque des Canadiens de certaines origines font face à une détention à l’étranger, la réponse du gouvernement a été nettement moins urgente et complète.”
Les Forces démocratiques syriennes dirigées par les Kurdes, qui maintiennent le contrôle des centres de détention, ont à maintes reprises exhorté les gouvernements étrangers à rapatrier leurs citoyens, avertissant qu’ils manquent de ressources pour héberger indéfiniment des milliers de détenus. Les experts en sécurité notent que les conditions dans ces camps créent un terreau parfait pour la radicalisation.
Un porte-parole d’Affaires mondiales Canada a confirmé la réception de la plainte mais a refusé de commenter en détail, déclarant seulement que “la sécurité des Canadiens demeure notre priorité” et que “chaque cas est évalué individuellement selon les circonstances spécifiques.”
Les implications politiques de cette plainte vont au-delà des préoccupations humanitaires. Des documents gouvernementaux internes obtenus grâce à des demandes d’accès à l’information révèlent des désaccords importants entre les ministères, les agences de sécurité exprimant leurs inquiétudes concernant les menaces potentielles tandis que les conseillers en droits de la personne mettent en garde contre les vulnérabilités juridiques liées à l’inaction.
À ce jour, le Canada a rapatrié 14 femmes et 23 enfants de ces camps—des actions qui n’ont eu lieu qu’après des contestations juridiques antérieures. Les plaignants actuels soutiennent que cette approche sélective démontre davantage la nature discriminatoire de la politique gouvernementale.
La commission fait maintenant face à d’importantes questions concernant sa compétence et les recours possibles. Les experts juridiques notent que, bien que la commission traite généralement des problèmes de discrimination domestique, les cadres internationaux des droits de la personne reconnaissent de plus en plus la responsabilité de l’État envers ses citoyens à l’étranger.
“Ces cas représentent un test crucial sur la façon dont nous définissons les limites de la responsabilité gouvernementale,” a noté le professeur de droit constitutionnel Errol Mendes. “L’enjeu est de savoir si les obligations du Canada en matière de droits de la personne s’arrêtent à nos frontières ou s’étendent à tous les citoyens, peu importe leur emplacement.”
Alors que cette bataille juridique se déroule, les plaignants demeurent dans des conditions qui se détériorent, faisant face à des avenirs incertains pendant que les mécanismes de la justice canadienne tournent lentement. La question qui confronte maintenant notre société: pouvons-nous concilier les préoccupations de sécurité avec notre engagement constitutionnel envers un traitement égal pour tous les citoyens canadiens, peu importe où ils se trouvent?