Le rêve de devenir propriétaire se heurte à la réalité de la retraite pour des milliers de Canadiens qui achètent des propriétés dans la quarantaine, cinquantaine, ou même soixantaine. Au bureau de CO24 au centre-ville de Vancouver, mon bureau est inondé de demandes de lecteurs confrontés à ce dilemme : comment équilibrer les paiements hypothécaires avec l’épargne-retraite quand le temps presse.
“J’ai acheté à 52 ans en pensant être libéré de mon hypothèque à la retraite. Maintenant à 58 ans, je panique à l’idée de ne pas avoir assez économisé,” confie Michael Denton, un résident de Richmond qui a acheté pendant la baisse du marché en 2018 mais qui fait maintenant face à la retraite avec une dette hypothécaire substantielle.
Les chiffres révèlent une tendance inquiétante. Selon Statistique Canada, près de 34% des Canadiens âgés de 55 à 64 ans ont encore une dette hypothécaire, avec un solde moyen restant de 158 000 $. Pour ces propriétaires, les échéanciers traditionnels de retraite nécessitent souvent un recalibrage drastique.
La planificatrice financière Sophia Wong le dit franchement : “Le concept de ‘liberté 55’ est essentiellement disparu pour les acheteurs tardifs. Nous créons régulièrement des plans qui prolongent la vie active jusqu’à 68 ou 70 ans, particulièrement dans les marchés coûteux comme Vancouver et Toronto.”
Le défi central n’est pas simplement financier—il est psychologique. Les recherches de l’Agence de la consommation en matière financière du Canada montrent que les propriétaires qui entrent à la retraite avec une dette hypothécaire signalent des niveaux de stress 27% plus élevés et une satisfaction globale 18% plus faible concernant leur style de vie à la retraite.
Quelle est la solution? Pour beaucoup, c’est adopter ce que les conseillers financiers appellent la “retraite hybride”—un modèle qui rejette le paradigme binaire travail/retraite en faveur d’une approche progressive.
Le conseiller financier vancouvérois Raymond Chen explique : “Nous constatons du succès avec les clients qui passent au travail à temps partiel dans la soixantaine tout en conservant leurs propriétés. Cette approche préserve leur investissement immobilier tout en fournissant un revenu pour gérer la dette jusqu’à ce qu’une vente complète ait du sens—généralement quand ils doivent réduire pour des raisons de santé ou de mobilité.”
Pour ceux déterminés à rester dans leur maison, des produits financiers innovants émergent. Les hypothèques inversées ont connu une augmentation de 37% d’adoption parmi les propriétaires canadiens âgés de 60 à 75 ans depuis 2019, bien que celles-ci comportent des coûts significatifs à long terme qui peuvent éroder les plans de succession.
L’efficacité fiscale devient primordiale pour les acheteurs tardifs approchant la retraite. “Maximiser les cotisations CELI avant les dépôts REER a souvent plus de sens pour ces propriétaires,” note la spécialiste fiscale Priya Sharma. “La flexibilité des retraits sans impôt des CELI peut être cruciale lors de l’équilibrage entre revenus variables et paiements hypothécaires fixes.”
Le paysage de la planification de la retraite est davantage compliqué par les disparités régionales de logement au Canada. Alors qu’un propriétaire torontois pourrait disposer d’une équité substantielle malgré une grosse hypothèque, son homologue à Moncton pourrait avoir une hypothèque plus petite mais proportionnellement moins d’équité à exploiter à la retraite.
Pour ceux qui se sentent piégés par leurs décisions immobilières, les conseils financiers professionnels deviennent essentiels. Le planificateur financier certifié James Wilson recommande une refonte financière complète pour les clients à moins de 15 ans de la retraite qui portent encore une dette hypothécaire significative.
“Nous devons tout examiner—stratégies de paiement accéléré, plans d’extension du travail, calendriers de réduction, et revenus locatifs potentiels de portions de la propriété. Il y a rarement une solution unique, mais presque toujours un chemin viable,” affirme Wilson.
Le processus de planification de la retraite pour les propriétaires plus âgés doit également tenir compte de l’évolution du paysage des pensions au Canada. Avec l’amélioration du RPC qui se met progressivement en place jusqu’en 2025, de nombreux futurs retraités font face à des décisions complexes sur le moment de commencer à percevoir les prestations gouvernementales.
“Retarder le RPC jusqu’à 70 ans peut augmenter les prestations mensuelles de 42% par rapport à une prise à 65 ans,” explique la spécialiste de la retraite Amira Hassan. “Pour les propriétaires avec une dette hypothécaire, cette amélioration peut faire la différence entre garder ou vendre leur propriété en début de retraite.”
Ce qui devient de plus en plus clair, c’est que la littératie financière et la planification proactive doivent s’améliorer parmi les propriétaires plus âgés. Selon le Conseil des normes de planification financière, seulement 22% des Canadiens avec hypothèques qui sont à moins de dix ans de la retraite ont un plan financier écrit complet.
Alors que le marché immobilier canadien poursuit sa trajectoire volatile, une vérité demeure constante : la propriété et la planification de la retraite sont devenues des conversations inséparables qui exigent des stratégies de plus en plus sophistiquées, surtout pour ceux qui achètent des propriétés plus tard dans la vie.
Le rêve d’une retraite dorée sans hypothèque peut nécessiter des ajustements, mais avec une planification créative, des décisions éclairées et des attentes réalistes, les acheteurs canadiens plus âgés peuvent encore bâtir une sécurité pour la retraite—même si le chemin semble différent de ce qu’ils avaient imaginé.