Le froid diplomatique entre Ottawa et Washington commence à se dissiper alors que les deux nations retournent à la table des négociations cette semaine, après des mois de tension concernant la taxe sur les services numériques proposée par le Canada. Ces discussions à enjeux élevés, qui se déroulent à l’ombre de la prochaine élection présidentielle américaine, représentent un moment critique pour le commerce transfrontalier entre les plus grands partenaires commerciaux du monde.
“Nous observons un engagement renouvelé pour le dialogue,” a déclaré la ministre des Finances Chrystia Freeland lors d’une conférence de presse à Vancouver hier. “Ces conversations sont complexes mais nécessaires pour maintenir la relation économique intégrée qui bénéficie à des millions de travailleurs des deux côtés de la frontière.”
Le différend porte sur la taxe sur les services numériques (TSN) du Canada, qui imposerait un prélèvement de 3% sur les revenus générés par les géants technologiques sur le territoire canadien. Les États-Unis se sont constamment opposés à cette mesure, arguant qu’elle cible injustement des entreprises américaines comme Google, Amazon et Meta.
L’administration Biden a suspendu les pourparlers commerciaux en janvier après que le Canada a refusé de retarder la mise en œuvre de la taxe. La représentante américaine au Commerce Katherine Tai a qualifié la proposition canadienne de “discriminatoire” et a menacé d’imposer des tarifs de représailles qui pourraient affecter jusqu’à 4 milliards de dollars d’exportations canadiennes.
Les analystes économiques préviennent qu’une tension prolongée pourrait se répercuter sur les deux économies. “La relation commerciale Canada-États-Unis vaut environ 2,6 milliards de dollars par jour,” a souligné Gordon Ritchie, ancien ambassadeur canadien pour les négociations commerciales. “Toute perturbation menace les chaînes d’approvisionnement qui sont devenues de plus en plus intégrées depuis l’ALENA et l’accord qui lui a succédé.”
En coulisses, les négociateurs explorent des compromis potentiels. Des sources proches des discussions indiquent que le Canada pourrait envisager des ajustements à sa structure fiscale en échange de garanties que les entreprises américaines paieront leur “juste part” d’impôts sur les revenus canadiens.
Pour le Canada, les enjeux vont au-delà des préoccupations économiques immédiates. Le gouvernement fait face à une pression intérieure pour donner suite aux promesses d’équilibrer les règles du jeu entre les entreprises numériques étrangères et les entreprises canadiennes. Le premier ministre Justin Trudeau a souligné à plusieurs reprises que la TSN concerne “l’équité fiscale” plutôt que le ciblage spécifique d’entreprises américaines.
Les leaders d’entreprises de multiples secteurs suivent attentivement les pourparlers. La Chambre de commerce du Canada a exhorté à une résolution rapide, soulignant que l’incertitude nuit aux investissements des deux côtés de la frontière. Les entreprises technologiques, particulièrement les startups prises dans le feu croisé, ont exprimé leur inquiétude d’être des dommages collatéraux dans un différend principalement axé sur les géants technologiques.
Le moment de ces négociations renouvelées est particulièrement significatif alors que les deux pays se préparent à d’éventuelles transitions politiques. L’élection présidentielle américaine en novembre pourrait fondamentalement remodeler la politique commerciale américaine, tandis que le gouvernement minoritaire du Canada continue de naviguer dans des vents économiques contraires et des défis politiques.
Alors que les discussions se poursuivent à Washington, ce qui reste clair c’est que la résolution finale établira d’importants précédents pour la taxation numérique mondiale. Avec plus de 30 pays mettant en œuvre ou envisageant des mesures similaires, le compromis Canada-États-Unis pourrait devenir un modèle pour aborder la fiscalité dans une économie numérique de plus en plus sans frontières.
Reste à voir si ces pourparlers aboutiront à une percée ou échoueront à nouveau, mais une certitude persiste : dans l’économie nord-américaine profondément interconnectée, trouver un terrain d’entente n’est pas seulement préférable—c’est essentiel.