Dans une confrontation juridique sans précédent qui met en évidence la tension entre les intérêts industriels et la gestion environnementale, le Canadien National a intenté une poursuite contre Parcs Canada, alléguant une action insuffisante pour protéger des infrastructures ferroviaires vitales contre les dommages dévastateurs causés par les inondations dans le parc national Jasper.
Le géant ferroviaire a lancé des procédures judiciaires vendredi à la Cour fédérale d’Edmonton, affirmant que Parcs Canada n’a pas mis en œuvre des mesures d’atténuation adéquates suite aux inondations catastrophiques qui ont ravagé Jasper en 2023. Cette escalade marque un tournant important dans ce qui a été un différend de plusieurs mois entre la société d’État responsable de l’épine dorsale du transport ferroviaire canadien et l’agence fédérale chargée de préserver nos parcs nationaux.
“Cette poursuite représente une réponse critique à un problème urgent de protection des infrastructures,” a déclaré la porte-parole du CN, Avril Bentham, dans un courriel obtenu par CO24. “Les inondations de 2023 ont causé des dommages considérables aux corridors de transport essentiels qui desservent non seulement l’Alberta, mais l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement nationale.”
Les documents juridiques dépeignent un tableau préoccupant de vulnérabilité le long des routes de transport cruciales. Selon les documents judiciaires, le CN allègue que Parcs Canada a délibérément fait obstacle aux efforts visant à mettre en œuvre des mesures essentielles de protection contre les inondations le long des rivières Athabasca et Miette—des cours d’eau qui coulent dangereusement près des lignes ferroviaires transportant annuellement des milliards de dollars de marchandises à travers le corridor montagneux.
Les inondations de l’été dernier ont infligé des dommages sans précédent dans tout le parc national Jasper, emportant des sections de voies ferrées et d’autoroutes. Les dévastations ont forcé d’importantes évacuations et perturbé l’une des artères de transport les plus critiques du Canada pendant des semaines, créant des effets d’entraînement dans toute la chaîne d’approvisionnement nationale qui ont coûté des millions à l’économie canadienne.
Parcs Canada, tout en accusant réception de la poursuite, a refusé de commenter spécifiquement les allégations, notant seulement qu’ils “examinent les réclamations avec un conseiller juridique” et que “la protection de l’environnement dans les parcs nationaux demeure notre préoccupation primordiale aux côtés de la sécurité publique.”
Les experts en droit environnemental notent que cette affaire met en évidence les défis croissants de la gestion des infrastructures dans les zones protégées à l’ère de l’instabilité climatique. La professeure Theresa Hammond, spécialiste en politique environnementale à l’Université de l’Alberta, a déclaré à CO24 : “Cette poursuite reflète l’équilibre de plus en plus complexe entre le maintien d’infrastructures nationales critiques et la préservation de l’intégrité écologique—une tension qui ne fera que s’intensifier avec l’accélération du changement climatique.”
Les documents judiciaires révèlent que le CN demande non seulement une injonction obligeant Parcs Canada à autoriser les travaux d’atténuation des inondations, mais également des dommages-intérêts substantiels pour ce qu’il décrit comme “une obstruction délibérée qui a placé des infrastructures nationales critiques à un risque inutile.”
Les analystes de l’industrie soulignent que le corridor de Jasper représente l’une des rares routes ferroviaires viables à travers les Rocheuses, gérant environ 18 milliards de dollars de marchandises annuellement entre l’est du Canada et les ports de la côte ouest. Toute perturbation prolongée crée une vulnérabilité économique significative pour l’économie canadienne dépendante des exportations.
Parcs Canada a précédemment affirmé son engagement à travailler avec les partenaires d’infrastructure tout en remplissant son mandat de prioriser l’intégrité écologique. Cependant, des documents internes obtenus par des demandes d’accès à l’information suggèrent que les désaccords concernant les solutions d’ingénierie appropriées se sont intensifiés ces derniers mois, les responsables de Parcs Canada exprimant des préoccupations quant à l’impact environnemental du blindage des berges et des modifications de canaux proposés par le CN.
La poursuite arrive à un moment politiquement sensible, alors que le gouvernement fédéral fait face à une pression croissante pour aborder à la fois l’infrastructure d’adaptation climatique et la protection environnementale. Le ministre des Transports, Pablo Rodriguez, n’a pas encore commenté le différend, bien que son bureau ait indiqué qu’ils surveillent de près la situation compte tenu de ses implications pour la résilience de la chaîne d’approvisionnement nationale.
Alors que cette bataille juridique sans précédent se déroule entre deux entités fédérales, le résultat établira probablement d’importants précédents sur la façon dont le Canada navigue à l’intersection de plus en plus complexe entre l’adaptation climatique, la protection des infrastructures critiques et la conservation environnementale. En jeu, il n’y a pas seulement la résilience d’un corridor de transport vital, mais potentiellement le cadre permettant au Canada d’équilibrer ces priorités concurrentes à l’ère de l’incertitude climatique.
Reste à voir si ce conflit forcera une conversation nationale plus complète sur la vulnérabilité des infrastructures dans les zones protégées, ou s’il se traduira simplement par des approches plus fragmentées de l’adaptation climatique dans notre paysage national.