Le marché pétrolier mondial fait face à une trajectoire complexe alors que la demande continue d’augmenter malgré l’évolution des modèles de consommation dans les économies clés. Selon les dernières prévisions de l’Agence internationale de l’énergie publiées mardi, la demande mondiale de pétrole maintiendra sa croissance tout au long de cette décennie, même si la Chine — le plus grand importateur mondial de pétrole — devrait atteindre son pic de consommation d’ici 2027.
“Nous assistons à une profonde restructuration des modèles de consommation mondiale de pétrole,” a déclaré Fatih Birol, directeur exécutif de l’AIE, lors de la présentation du rapport. “Alors que les économies émergentes d’Asie et d’Afrique continuent d’accroître leurs besoins énergétiques, la transition de la Chine vers des alternatives plus propres représente un point d’inflexion important pour les marchés mondiaux.”
L’AIE prévoit que la demande mondiale de pétrole augmentera d’environ 3,2 millions de barils par jour d’ici 2030, atteignant un pic de 105,4 millions de barils quotidiens. Cette trajectoire de croissance survient malgré l’accélération de l’adoption des énergies renouvelables et des véhicules électriques dans de nombreuses économies développées.
Le pic anticipé de la Chine marque un changement dramatique dans le paysage énergétique mondial. Après des décennies de croissance explosive qui a contribué à stimuler la demande mondiale de pétrole, la consommation chinoise devrait atteindre un plateau puis diminuer progressivement, le pays poursuivant agressivement ses objectifs de neutralité carbone. Selon l’analyse de CO24 Affaires, cette transition reflète les investissements massifs de la Chine dans les infrastructures d’énergie renouvelable et les transports électriques.
Pendant ce temps, l’Inde et d’autres économies émergentes d’Asie sont positionnées pour devenir les nouveaux moteurs de la croissance de la demande pétrolière. L’AIE estime que la consommation de l’Inde augmentera de près de 1,5 million de barils par jour d’ici 2030, représentant près de la moitié de la croissance mondiale projetée.
“Le centre de gravité de la demande pétrolière se déplace décisivement vers les marchés émergents,” a noté Daniel Yergin, vice-président de S&P Global et historien de l’énergie. “Les politiques occidentales peuvent se concentrer sur la transition des combustibles fossiles, mais les réalités démographiques et économiques dans les régions en développement garantissent que le pétrole reste au cœur du mix énergétique mondial pour les années à venir.”
Du côté de l’offre, le rapport indique que les producteurs non-OPEP, particulièrement les États-Unis, le Canada et le Brésil, continueront d’étendre leur capacité de production. Cette projection suggère des défis potentiels pour l’OPEP+ dans le maintien de la stabilité des prix au milieu de l’évolution des modèles de demande, comme l’a couvert récemment CO24 Monde.
Le secteur des transports reste le plus grand consommateur de pétrole à l’échelle mondiale, bien que le rapport souligne des différences significatives dans les transitions régionales. Alors que l’Europe et l’Amérique du Nord accélèrent l’adoption des véhicules électriques, l’AIE s’attend à ce que les moteurs à combustion interne conventionnels dominent les ventes de véhicules dans de nombreuses régions en développement jusqu’en 2030.
L’industrie pétrochimique émerge également comme un facteur crucial pour soutenir la croissance de la demande pétrolière. Même si la consommation liée aux transports atteint potentiellement un plateau, la fabrication pétrochimique — produisant tout, des plastiques aux engrais — continue de s’étendre mondialement.
Pour le Canada, ces projections présentent à la fois des opportunités et des défis. En tant que quatrième producteur mondial de pétrole, le secteur énergétique canadien pourrait bénéficier de la croissance continue de la demande mondiale, mais fait face à une pression croissante pour réduire l’intensité des émissions tout en maintenant sa compétitivité économique.
“La décennie à venir sera définie par des impératifs doubles,” explique Martha Hall Findlay, ancienne présidente de la Fondation Canada West. “Les nations doivent simultanément assurer la sécurité énergétique et l’abordabilité tout en accélérant les efforts de décarbonisation. Cet équilibre façonnera les décisions d’investissement et les cadres politiques dans le monde entier.”
Alors que le monde navigue dans cette période de transition des marchés énergétiques mondiaux, une question critique émerge : l’économie mondiale peut-elle gérer avec succès la tension entre les demandes énergétiques croissantes et les impératifs climatiques de plus en plus urgents, ou les dépendances structurelles aux combustibles fossiles retarderont-elles les progrès significatifs vers un avenir à plus faible émission de carbone?