Production d’acier plus écologique : le Canada face à l’incertitude du marché

Olivia Carter
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Dans le vaste paysage industriel de Hamilton, en Ontario, une révolution silencieuse se déroule chez ArcelorMittal Dofasco. Le géant de l’acier entreprend une transformation de 1,8 milliard de dollars de ses opérations, remplaçant les hauts fourneaux au charbon par des fours à arc électrique qui promettent de réduire les émissions de carbone de 60 pour cent. Ce projet ambitieux représente l’aube d’une nouvelle ère dans la production d’acier canadienne, qui arrive à un moment de volatilité sans précédent et de demande incertaine.

“Nous reconstruisons essentiellement le cœur de notre production d’acier tout en continuant à faire fonctionner l’usine,” explique Ron Bedard, président et directeur général d’ArcelorMittal Dofasco. “C’est comme réaliser une chirurgie à cœur ouvert sur un coureur de marathon sans lui faire manquer une foulée.”

L’installation de Hamilton n’est pas seule dans cette transition verte. Algoma Steel à Sault Ste. Marie investit 703 millions de dollars dans la technologie à arc électrique, tandis que les opérations d’U.S. Steel à Nanticoke, en Ontario, utilisent déjà cette approche plus propre. Ces initiatives s’alignent avec les objectifs climatiques du Canada, car l’industrie sidérurgique représente actuellement environ sept pour cent des émissions mondiales de carbone.

Cependant, cette révolution verte survient à un moment précaire. Le marché nord-américain de l’acier fait face à d’importants vents contraires, avec des prix qui ont chuté de près de 60 pour cent par rapport à leur sommet de 2022. L’industrie est aux prises avec une tempête parfaite de défis: une demande diminuée du secteur de la construction, des taux d’intérêt élevés qui freinent l’activité économique, et une concurrence féroce des importations à bas coût.

“Les conditions actuelles du marché présentent certainement des défis pour les entreprises qui réalisent des investissements aussi substantiels,” note Catherine Cobden, présidente de l’Association canadienne des producteurs d’acier. “Mais nos membres reconnaissent que la décarbonisation n’est pas optionnelle—elle est essentielle pour la compétitivité à long terme dans un monde contraint par le carbone.”

Le gouvernement fédéral a démontré son engagement envers cette transition, contribuant 400 millions de dollars au projet d’ArcelorMittal Dofasco et 420 millions de dollars aux efforts de modernisation d’Algoma Steel. Ces investissements reflètent l’intérêt stratégique d’Ottawa à préserver et faire évoluer l’industrie sidérurgique canadienne, qui emploie directement plus de 23 000 travailleurs et génère environ 15 milliards de dollars d’activité économique annuelle.

Les experts soulignent plusieurs facteurs qui pourraient éventuellement renforcer l’argument commercial en faveur de l’acier vert. Les mécanismes d’ajustement carbone aux frontières mis en œuvre dans des marchés comme l’Union européenne taxeront effectivement les importations à forte intensité de carbone, donnant potentiellement un avantage concurrentiel aux producteurs à faibles émissions. De plus, les principaux clients des secteurs automobile et de la construction sont de plus en plus disposés à payer des primes pour des matériaux à faible teneur en carbone afin d’atteindre leurs propres objectifs environnementaux.

“Nous assistons à un changement fondamental dans la façon dont la valeur est calculée dans les chaînes d’approvisionnement industrielles,” explique Dr. Arezki Daoud, économiste spécialisé dans la décarbonisation industrielle à l’Université de Toronto. “L’intensité carbone devient aussi importante que le coût et la qualité dans les décisions d’achat de nombreuses sociétés multinationales.”

Malgré ces signaux prometteurs, des questions subsistent quant à savoir si ces facteurs se développeront assez rapidement pour justifier les investissements massifs actuellement en cours. La transformation d’ArcelorMittal Dofasco ne devrait pas être achevée avant 2028, tandis que les prévisions économiques suggèrent que la volatilité du marché pourrait persister pendant plusieurs années encore.

Pour des communautés comme Hamilton, façonnées par l’industrie sidérurgique depuis des générations, les enjeux ne pourraient être plus élevés. La transformation représente non seulement un impératif environnemental mais aussi économique—évoluer ou risquer l’obsolescence dans un marché mondial de plus en plus conscient du carbone.

Alors que les aciéristes canadiens poursuivent leurs ambitions vertes au milieu des turbulences du marché, une question cruciale émerge: les primes promises pour un acier plus propre se matérialiseront-elles à temps pour récompenser ces paris de plusieurs milliards de dollars, ou le leadership environnemental audacieux de l’industrie dépassera-t-il la volonté du marché de payer pour cela?

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