Alors que la lumière matinale filtrait à travers les vitraux du Centre national pour la vérité et la réconciliation à Winnipeg, la voix de l’aînée Marie Wilson résonnait avec un mélange d’espoir et de déception. “Nous avons avancé de quelques centimètres alors qu’il nous fallait des kilomètres,” a-t-elle déclaré, réfléchissant à la décennie écoulée depuis que la Commission de vérité et réconciliation (CVR) a publié son rapport final contenant 94 appels à l’action.
Un sondage national exhaustif publié aujourd’hui révèle une perspective canadienne profondément divisée sur les efforts de réconciliation, avec seulement 34% des Canadiens estimant que des progrès significatifs ont été réalisés pour remédier aux injustices historiques contre les peuples autochtones. Cette division marquée survient alors que le pays approche du dixième anniversaire du rapport historique de la CVR qui visait à tracer une voie vers la guérison et la réconciliation.
L’enquête, menée par l’Institut du Baromètre de la Réconciliation, a interrogé plus de 3 500 Canadiens de diverses origines et régions. Les résultats montrent une nette division démographique et régionale dans les perceptions. Les résidents urbains de moins de 40 ans étaient deux fois plus susceptibles de reconnaître des changements positifs par rapport aux Canadiens ruraux de plus de 60 ans. Plus troublant encore, 28% des répondants ont admis ne pas connaître les appels à l’action de la CVR—des directives fondamentales destinées à remodeler la relation du Canada avec les Premières Nations, les Métis et les Inuits.
“Les données reflètent non seulement des échecs politiques, mais aussi un profond déficit de communication,” explique Dre Sarah Morales, spécialiste autochtone du droit à l’Université de Victoria. “De nombreux Canadiens ne comprennent toujours pas ce que la réconciliation exige vraiment ou comment elle se rapporte à leur vie quotidienne.”
Là où des progrès ont été réalisés, ils ont été inégaux. Les systèmes éducatifs à travers le Canada ont intégré des perspectives autochtones dans les programmes scolaires, et les reconnaissances territoriales sont devenues une pratique courante lors d’événements publics. Cependant, des domaines critiques comme la réforme du bien-être des enfants, l’accès à l’eau potable dans les réserves et la lutte contre l’incarcération disproportionnée des peuples autochtones demeurent gravement déficients.
Le ministre des Relations Couronne-Autochtones, Marc Miller, a reconnu ces lacunes dans une déclaration à CO24 Politique : “Nous reconnaissons que les progrès n’ont pas été assez rapides ni assez complets. Le gouvernement fédéral reste déterminé à mettre en œuvre les 94 appels à l’action, bien que nous reconnaissions que le calendrier s’est prolongé au-delà de ce qui était initialement espéré.”
Les dirigeants autochtones ont exprimé des réactions mitigées. La cheffe nationale Cindy Woodhouse de l’Assemblée des Premières Nations a souligné des progrès significatifs dans la revitalisation linguistique et la réclamation culturelle, tout en soulignant que “les inégalités structurelles restent profondément ancrées dans les systèmes canadiens qui continuent de marginaliser nos peuples.”
La réconciliation économique a montré quelques promesses. L’économie autochtone contribue maintenant environ 32 milliards de dollars annuellement au PIB du Canada selon les analystes d’affaires, avec des entreprises autochtones qui croissent six fois plus vite que les entreprises non autochtones. Toutefois, les obstacles à l’accès au capital, les lacunes en infrastructure et les différends concernant les ressources continuent d’entraver la croissance potentielle.
Plus préoccupant encore est l’écart persistant dans la compréhension fondamentale entre Canadiens autochtones et non autochtones. L’enquête a révélé que 67% des répondants non autochtones estiment que la réconciliation est “principalement la responsabilité du gouvernement,” tandis que 83% des participants autochtones la considèrent comme nécessitant un engagement personnel de tous les Canadiens.
Alors que le crépuscule s’installe sur la Colline du Parlement, la question demeure : le Canada a-t-il vraiment fait face à son passé colonial? Les preuves suggèrent une nation qui peine encore à passer de la reconnaissance à l’action. Sans un engagement renouvelé et des indicateurs clairs de réussite, la prochaine décennie pourrait donner des résultats tout aussi décevants.
Alors que nous soulignons ce sombre anniversaire, les Canadiens doivent se demander : quelle responsabilité personnelle sommes-nous prêts à assumer pour transformer la réconciliation, de simple rhétorique politique en réalité vécue pour les Premiers Peuples de ce territoire?