Le gouvernement de l’Ontario a ouvert son controversé projet de loi 5 à la consultation publique, marquant un tournant crucial dans l’ambitieux plan du premier ministre Doug Ford visant à établir des zones économiques spéciales dans toute la province. La législation, intitulée officiellement “Loi sur l’accélération de la croissance économique de l’Ontario”, propose de créer des zones désignées où les entreprises fonctionneraient avec des réglementations et des charges fiscales considérablement réduites — une initiative que le gouvernement prétend stimulera le développement économique, mais que les critiques craignent de voir compromettre les protections environnementales et les normes du travail.
“Il s’agit de rendre l’Ontario compétitif sur la scène mondiale,” a déclaré le premier ministre Ford lors de l’annonce d’hier à Brampton. “Nos zones économiques spéciales réduiront la bureaucratie, accéléreront l’obtention des permis et créeront des milliers d’emplois bien rémunérés pour les Ontariens qui travaillent dur, tout en maintenant les protections essentielles.”
Le processus de consultation publique, qui débute la semaine prochaine et se poursuivra jusqu’au 15 décembre, représente la première occasion pour les citoyens de donner formellement leur avis sur ce que de nombreux experts en politique considèrent comme la proposition de restructuration économique la plus significative de l’histoire récente de la province. Le gouvernement a lancé un portail en ligne où les Ontariens peuvent soumettre leurs commentaires sur le projet de loi.
Le ministre du Développement économique Victor Fedeli a présenté l’essentiel de la proposition: les zones désignées offriraient des approbations simplifiées pour les permis de construction, des impôts fonciers réduits et des voies d’immigration spéciales pour les travailleurs qualifiés. “Nous construisons des moteurs économiques qui alimenteront la croissance de l’Ontario pour les générations à venir,” a déclaré Fedeli lors du point de presse.
Cependant, les groupes de défense de l’environnement et les syndicats ont soulevé d’importantes préoccupations concernant la législation. La Coalition environnementale de l’Ontario a critiqué ce qu’ils décrivent comme des “exemptions alarmantes” des exigences d’évaluation environnementale au sein des zones proposées. “Ce projet de loi sacrifie potentiellement des décennies de progrès environnemental pour des gains économiques à court terme,” a déclaré Maria Sanchez, directrice générale de la coalition.
La Fédération du travail de l’Ontario a également exprimé son appréhension que ces zones ne deviennent des “havres réglementaires” où les protections des travailleurs seraient diminuées. “Nous sommes profondément préoccupés par la création d’un système réglementaire à deux vitesses qui met en péril les droits des travailleurs,” a noté Patricia Coates, présidente de la FTO.
Les analystes financiers des grandes institutions canadiennes offrent des évaluations mitigées. L’unité de recherche économique de la Banque TD prévoit que les zones pourraient ajouter 0,8 % à la croissance du PIB de l’Ontario sur cinq ans si elles sont mises en œuvre selon les propositions actuelles. Cependant, l’économiste en chef de la CIBC avertit que “la concurrence réglementaire entre les provinces pourrait déclencher une course vers le bas qui diminuerait finalement le cadre économique global du Canada.”
La législation s’inspire de modèles similaires en Asie et en Europe mais représente la tentative la plus ambitieuse d’implanter un tel système en Amérique du Nord. Le gouvernement a identifié des emplacements potentiels dans l’Est de l’Ontario, le Golden Horseshoe et le Nord de l’Ontario, ciblant des secteurs tels que la fabrication de pointe, les sciences de la vie et la technologie.
Les dirigeants municipaux sont divisés, certains accueillant favorablement le potentiel économique tandis que d’autres s’inquiètent de la diminution de l’autorité locale sur les décisions de développement. La mairesse de Toronto, Olivia Chow, a exprimé ses préoccupations concernant “l’empiètement provincial” tandis que la mairesse de Hamilton, Andrea Horwath, a prudemment accueilli le potentiel de réaménagement des friches industrielles.
Alors que s’ouvre la période de consultation publique, la question clé demeure: l’Ontario peut-il trouver l’équilibre délicat entre l’accélération de la croissance économique et la préservation des cadres réglementaires qui protègent notre environnement, nos travailleurs et nos communautés? La réponse pourrait bien déterminer la trajectoire économique et sociale de la province pour les décennies à venir.