Le gouvernement Trudeau a reconnu mardi que sa première tentative de renforcer la sécurité frontalière par l’élargissement des pouvoirs de fouille était “imparfaite” et excessive, a déclaré le ministre de la Sécurité publique, Dominic LeBlanc, dans un rare aveu d’erreurs législatives. Le projet de loi controversé, qui aurait considérablement élargi les capacités de fouille sans mandat pour les forces de l’ordre, a fait l’objet de vives critiques de la part des défenseurs de la vie privée et des experts juridiques avant d’être discrètement mis de côté.
“Nous avons reconnu que notre première version contenait des dispositions qui allaient au-delà de ce qui était nécessaire pour atteindre nos objectifs de sécurité,” a déclaré LeBlanc aux journalistes après une réunion du comité parlementaire sur la sécurité frontalière. “L’équilibre entre l’application efficace de la loi et les libertés civiles est délicat, et notre approche initiale n’a pas réussi à trouver cet équilibre correctement.”
La législation abandonnée aurait permis aux agents de l’Agence des services frontaliers du Canada de fouiller les appareils électroniques des voyageurs sans mandat ni soupçon raisonnable dans des circonstances élargies. Le commissaire à la protection de la vie privée, Philippe Dufresne, avait averti que de telles dispositions risquaient de violer les protections de la Charte contre les fouilles et les saisies abusives.
L’analyse juridique obtenue par CO24 révèle que le projet de loi aurait créé un précédent troublant en étendant les pouvoirs de fouille sans mandat au-delà des zones frontalières immédiates vers le territoire canadien plus large. Les groupes de défense des libertés civiles ont unanimement condamné la proposition, l’Association canadienne des libertés civiles la qualifiant de “débordement dramatique qui menaçait les droits fondamentaux à la vie privée.”
“La sécurité frontalière ne peut pas se faire aux dépens des protections constitutionnelles,” a déclaré Kent Roach, professeur de droit à l’Université de Toronto, dans une entrevue avec CO24 News. “Le projet de loi initial reflétait une tendance préoccupante des agences de sécurité cherchant à étendre leurs pouvoirs sans mécanismes de surveillance correspondants.”
Le gouvernement prévoit maintenant d’introduire une législation révisée plus tard cette année qui intégrera supposément des garanties plus fortes en matière de protection de la vie privée tout en répondant aux préoccupations légitimes en matière de sécurité. Des sources au sein du ministère de la Sécurité publique indiquent que le nouveau projet de loi exigera une autorisation judiciaire pour la plupart des fouilles au-delà des points d’entrée et inclura des protections plus strictes pour les appareils électroniques personnels.
Ce recul législatif survient dans un contexte de pression politique croissante sur le gouvernement libéral concernant à la fois la sécurité frontalière et les droits à la vie privée. Les critiques conservateurs ont accusé le gouvernement d’être à la fois trop laxiste sur l’application réelle des frontières tout en allant trop loin sur les pouvoirs de surveillance.
“Ce gouvernement semble confus sur ses propres priorités,” a déclaré la porte-parole conservatrice en matière de sécurité publique, Raquel Dancho. “Ils ont créé une crise frontalière par leurs politiques, puis ont tenté de compenser avec des pouvoirs de fouille inconstitutionnels.”
La législation abandonnée représente un revers important pour l’agenda de sécurité frontalière du gouvernement, qui a eu du mal à équilibrer les demandes concurrentes pour une application plus stricte et la protection des libertés civiles. Les experts en sécurité notent qu’un contrôle frontalier efficace nécessite des approches ciblées, guidées par le renseignement, plutôt qu’une simple extension des pouvoirs sans mandat.
“La sécurité frontalière moderne repose sur une application intelligente, pas simplement sur plus d’application,” a déclaré Richard Fadden, ancien dirigeant de l’ASFC. “Les systèmes les plus efficaces ciblent les voyageurs à haut risque grâce au renseignement tout en respectant les droits de la grande majorité qui ne pose aucune menace.”
Alors que l’immigration et la criminalité transfrontalière demeurent des questions politiques litigieuses, la question reste: le gouvernement peut-il élaborer une législation qui renforce véritablement la sécurité tout en respectant les droits constitutionnels qui définissent la démocratie canadienne?