Le projet de loi controversé du gouvernement libéral visant à accélérer les infrastructures a franchi un obstacle important jeudi soir, passant l’étape de l’examen en comité malgré une vive opposition de divers intervenants. Le projet de loi C-50, officiellement intitulé “Loi sur la protection des infrastructures critiques”, vise à simplifier les approbations pour les grands projets économiques, mais a déclenché un débat houleux dans tout le paysage politique canadien.
Après des semaines de témoignages de leaders autochtones, d’organisations environnementales et de représentants de l’industrie, le comité de l’industrie de la Chambre des communes a approuvé le projet de loi avec plusieurs amendements. Cette législation, défendue par le ministre de l’Industrie François-Philippe Champagne, représente ce que le gouvernement qualifie d’étape cruciale pour résoudre les défis de productivité du Canada et la crise du logement.
“Cette législation fournit le cadre dont le Canada a désespérément besoin pour rester compétitif dans l’économie mondiale”, a déclaré Champagne aux journalistes après le vote du comité. “Nous ne pouvons pas continuer avec un système où les projets d’infrastructure critiques prennent des années, voire des décennies, à se réaliser alors que nos homologues internationaux avancent.”
Le projet de loi établit une nouvelle classification de projets “d’importance nationale” qui bénéficieraient d’approbations fédérales accélérées et de processus d’évaluation coordonnés. Cette désignation s’appliquerait aux corridors de transport, aux initiatives d’énergie propre, aux développements de minéraux critiques et aux installations de fabrication jugées essentielles aux intérêts économiques du Canada.
Les critiques, cependant, demeurent profondément préoccupés par les implications du projet de loi. L’opposition des communautés autochtones a été particulièrement vocale, de nombreux chefs des Premières Nations soutenant que la législation mine les droits de consultation établis par les décisions de la Cour suprême et menace les mesures de protection environnementale.
“Ce que nous voyons est une autre tentative de contourner une consultation significative avec les Premières Nations”, a déclaré la chef régionale Cindy Woodhouse de l’Assemblée des Premières Nations. “L’accélération des projets ne peut pas se faire au détriment des droits autochtones ou des garanties environnementales.”
Le Parti conservateur a critiqué le projet de loi sous un angle différent, affirmant qu’il ne va pas assez loin pour éliminer les obstacles réglementaires tout en créant une nouvelle couche de bureaucratie fédérale. Le porte-parole conservateur en matière d’industrie, Rick Perkins, a proposé 19 amendements lors de l’examen en comité, dont seulement trois ont été acceptés.
“Ce projet de loi est fondamentalement défectueux”, a déclaré Perkins. “Il donne des pouvoirs étendus au cabinet pour décider des gagnants et des perdants dans l’économie tout en ne s’attaquant pas aux problèmes réglementaires fondamentaux qui retardent réellement les projets.”
Les analystes économiques sont divisés sur l’impact potentiel de la législation. Le Conseil canadien des affaires a exprimé un soutien prudent, suggérant que le projet de loi pourrait aider à résoudre la productivité en baisse du Canada, qui est tombée à 80% des niveaux américains. Cependant, certains économistes préviennent que sans une réforme fiscale globale et des changements réglementaires plus larges, la législation pourrait n’offrir que des avantages limités.
Parmi les principaux amendements approuvés lors de l’examen en comité figurent un libellé amélioré concernant les exigences de consultation autochtone et des dispositions supplémentaires d’évaluation environnementale. Le comité a également ajouté des mesures exigeant une plus grande transparence dans la façon dont les projets reçoivent la désignation “d’importance nationale”.
Le projet de loi retourne maintenant à la Chambre des communes pour une troisième lecture, où le gouvernement libéral minoritaire aura probablement besoin du soutien soit du NPD, soit du Bloc Québécois pour assurer son adoption. Des sources au sein du caucus du NPD indiquent que le parti reste indécis, son soutien étant conditionné à d’autres amendements liés à la protection de l’environnement et aux normes du travail.
Alors que le Canada est aux prises avec des défis d’infrastructure allant des pénuries de logements aux exigences de transition vers l’énergie propre, la question fondamentale demeure: cette législation peut-elle trouver l’équilibre délicat entre l’accélération des projets critiques et le maintien des normes essentielles environnementales et de consultation que les Canadiens attendent? La réponse pourrait finalement déterminer non seulement le sort de ce projet de loi, mais aussi la compétitivité économique du Canada pour les décennies à venir.