Dans une décision controversée qui a secoué les communautés environnementales et autochtones, le gouvernement fédéral a dévoilé jeudi une législation visant à accélérer les grands projets d’infrastructure à travers le Canada. La Loi sur la construction rapide du Canada, défendue par le ministre de l’Infrastructure Mark Carney, promet d’accélérer des développements essentiels, mais a immédiatement été accusée de compromettre les engagements climatiques et les droits de consultation des Autochtones.
La législation représente l’un des changements de politique économique les plus importants du gouvernement libéral ces dernières années, créant un nouveau cadre qui désignerait certains projets comme “d’importance nationale” et les soumettrait à des processus d’approbation accélérés. Lors de l’annonce à Ottawa, Carney a défendu cette approche comme essentielle à la compétitivité économique du Canada.
“Dans un monde où les capitaux affluent vers les juridictions capables de concrétiser des projets, le Canada doit agir avec plus de rapidité et de certitude,” a déclaré Carney. “Cette législation maintient nos normes environnementales tout en s’assurant que nous ne manquons pas d’opportunités économiques cruciales à cause de délais inutiles.”
Le projet de loi établit une catégorie de projets considérés comme vitaux pour les intérêts nationaux — notamment les infrastructures d’énergie propre, le développement des minéraux critiques et les initiatives de logement — qui bénéficieraient de délais réduits et d’un examen réglementaire simplifié. Selon les estimations du gouvernement, la législation pourrait réduire les délais d’approbation jusqu’à 50% pour les projets admissibles.
Cependant, les groupes de défense du climat ont immédiatement exprimé leur inquiétude. Environmental Defence et la Fondation David Suzuki ont publié une déclaration conjointe qualifiant le projet de loi de “dangereux affaiblissement du cadre d’évaluation environnementale du Canada” qui pourrait potentiellement accélérer les infrastructures de combustibles fossiles parallèlement aux initiatives vertes.
“Le diable est dans les détails,” a déclaré Jennifer Winter, experte en politique environnementale à l’Université de Calgary. “Bien que l’accélération des projets d’énergie renouvelable réponde aux objectifs climatiques, appliquer le même processus accéléré aux développements à fortes émissions contredirait directement les engagements climatiques du Canada dans le cadre de l’Accord de Paris.”
Les représentants des Premières Nations figurent parmi les opposants les plus vocaux, considérant que la législation pourrait contourner les exigences de consultation établies. L’Assemblée des Premières Nations a publié une déclaration condamnant ce qu’elle décrit comme “encore une tentative de mettre de côté les droits autochtones au profit de l’efficacité économique.”
Le Grand Chef Stewart Phillip de l’Union des chefs indiens de la Colombie-Britannique a été particulièrement direct : “Une consultation significative ne peut pas être précipitée. Cette législation semble conçue pour diminuer notre droit constitutionnel à un engagement approprié sur les projets affectant nos territoires.”
La controverse s’étend au-delà des préoccupations environnementales et autochtones. Les groupes d’affaires ont largement accueilli favorablement la législation, la Chambre de commerce du Canada la saluant comme “une reconnaissance longtemps attendue que l’efficacité réglementaire compte pour l’investissement.” Pendant ce temps, des experts juridiques ont soulevé des questions concernant d’éventuelles contestations constitutionnelles si le projet de loi avançait dans sa forme actuelle.
Le gouvernement insiste sur le fait que la législation maintient les protections environnementales tout en éliminant les redondances. Le ministre de l’Environnement Steven Guilbeault a souligné que les considérations climatiques demeurent centrales, tous les projets accélérés devant toujours s’aligner sur les engagements du Canada en matière de neutralité carbone. “Il ne s’agit pas d’abaisser les normes, mais de les atteindre plus efficacement,” a insisté Guilbeault.
Les analystes politiques considèrent ce projet de loi comme faisant partie d’une stratégie économique plus large visant à remédier à la productivité et aux investissements en baisse qui ont affecté l’économie canadienne ces dernières années. Le calendrier suggère que des considérations électorales pourraient également entrer en jeu, le gouvernement étant désireux de démontrer des actions concrètes sur la croissance économique avant les élections fédérales de l’année prochaine.
Alors que le débat parlementaire commence la semaine prochaine, la législation fait face à un chemin incertain. Les partis d’opposition ont signalé des réactions mitigées, les Conservateurs soutenant le concept tout en critiquant les détails spécifiques de mise en œuvre, et le NPD exprimant de sérieuses réserves quant aux implications environnementales et autochtones.
Ce qui reste non résolu, c’est de savoir si le Canada peut véritablement accélérer le développement des infrastructures sans compromettre les processus de consultation et les évaluations environnementales qui sont devenus fondamentaux dans notre cadre réglementaire. Alors que les tensions politiques s’intensifient autour de cette législation, les Canadiens doivent se demander : dans notre hâte de construire pour l’économie de demain, risquons-nous les principes mêmes environnementaux et de réconciliation qui devraient guider l’avenir de notre nation?