Dans une audacieuse initiative diplomatique qui signale un changement potentiel dans la politique énergétique interprovinciale, la première ministre de l’Alberta, Danielle Smith, a tendu la main au nouveau gouvernement conservateur de la Colombie-Britannique avec une proposition convaincante pour un grand projet d’oléoduc. Cette proposition, dévoilée lors de la récente visite de Smith à Vancouver, représente ce que de nombreux analystes appellent une réinitialisation stratégique dans les relations énergétiques souvent tendues entre l’Alberta et la C.-B.
“Les avantages économiques pour les deux provinces sont indéniables,” a déclaré Smith lors de son allocution à la Chambre de commerce de Vancouver. “Il ne s’agit pas seulement du secteur énergétique de l’Alberta, mais de créer une prospérité qui profite à tous les Canadiens grâce à des infrastructures répondant aux normes environnementales les plus élevées.”
L’oléoduc proposé transporterait les produits pétroliers de l’Alberta vers la côte Pacifique de la C.-B., ouvrant potentiellement de vastes nouveaux marchés d’exportation à travers l’Asie. Selon les projections économiques de l’Alberta Energy Regulator, le projet pourrait générer plus de 4 milliards de dollars d’activité économique annuelle et créer environ 12 000 emplois pendant la seule phase de construction.
Ce qui rend cette proposition particulièrement remarquable, c’est le moment choisi. Le gouvernement conservateur du premier ministre de la C.-B., John Rustad, a signalé une approche plus réceptive aux infrastructures énergétiques que ses prédécesseurs, créant ce que les observateurs de l’industrie appellent une “rare fenêtre d’opportunité” pour la coopération interprovinciale sur les grands projets énergétiques.
“Nous observons un alignement potentiel qui n’a pas existé dans la politique provinciale depuis près d’une décennie,” note Dre Eleanor Walsh, professeure d’économie énergétique à l’Université de Calgary. “Les deux premiers ministres semblent reconnaître que le développement responsable des ressources peut coexister avec la gestion environnementale.”
La proposition a déjà recueilli le soutien d’acteurs clés de l’industrie et de plusieurs communautés autochtones le long du tracé proposé. La Première Nation de Fort Nelson a exprimé un intérêt particulier pour les opportunités de participation économique, bien que les négociations sur des accords spécifiques de partage des bénéfices soient toujours en cours.
Cependant, les organisations environnementales ont exprimé une forte opposition. Le Sierra Club de la C.-B. a qualifié la proposition de “recul dans les engagements climatiques du Canada” et a promis de mobiliser une résistance populaire similaire aux campagnes qui ont réussi à retarder des propositions d’oléoducs précédentes.
L’approbation fédérale demeure un autre obstacle important. Bien que le gouvernement de Justin Trudeau ait précédemment soutenu le développement d’oléoducs, y compris l’expansion controversée de Trans Mountain, les calculs politiques en vue des prochaines élections fédérales pourraient compliquer le parcours réglementaire.
Les experts en sécurité énergétique soulignent que l’évolution de la dynamique mondiale rend le projet de plus en plus pertinent. “Avec l’instabilité géopolitique affectant les marchés énergétiques traditionnels, le Canada a l’occasion de devenir un fournisseur plus important pour nos partenaires commerciaux du Pacifique,” explique Maria Sanchez, analyste principale à l’Institut canadien de recherche énergétique.
La proposition comprend d’importantes mesures de protection environnementale, notamment des capacités améliorées d’intervention en cas de déversement, une technologie de surveillance continue des pipelines et des engagements à compenser les émissions de carbone associées à la construction. Reste à voir si ces concessions satisferont les préoccupations environnementales.
Alors que cette négociation à enjeux élevés se déroule entre deux des provinces les plus riches du Canada, le résultat pourrait remodeler le paysage énergétique canadien pour les décennies à venir. La question fondamentale qui se pose maintenant aux décideurs et aux citoyens est la suivante : le Canada peut-il équilibrer ses engagements climatiques avec les avantages économiques d’un développement responsable des ressources d’une manière qui serve véritablement l’intérêt national?