Dans l’ombre de l’insécurité alimentaire croissante à travers le Canada, les banques alimentaires font face à un équilibre de plus en plus complexe : distribuer des provisions urgentes tout en maintenant des normes de sécurité rigoureuses. Le sondage national du mois dernier a révélé une augmentation de 35 % de l’utilisation des banques alimentaires depuis 2019, exerçant une pression sans précédent sur ces ressources communautaires essentielles à un moment où les préoccupations en matière de sécurité n’ont jamais été aussi scrutées.
“Nous voyons des familles qui n’auraient jamais imaginé avoir besoin de nos services,” explique Melissa Chen, directrice des opérations à la Banque alimentaire Community Care de Toronto. “Mais nous ne pouvons pas laisser la demande accrue compromettre nos protocoles de sécurité—une seule épidémie d’intoxication alimentaire pourrait dévaster les communautés vulnérables et miner la confiance dans notre système entier.”
Les banques alimentaires à travers le Canada ont mis en œuvre des approches de sécurité à plusieurs niveaux qui commencent bien avant que les articles n’atteignent les mains des bénéficiaires. Chez Banques alimentaires Canada, les dons subissent des processus d’inspection rigoureux où des bénévoles formés vérifient les dates d’expiration, l’intégrité des emballages et les signes de contamination. Les installations d’entreposage à température contrôlée—autrefois un luxe pour de nombreuses petites opérations—sont devenues des investissements d’infrastructure essentiels.
La pandémie de COVID-19 a transformé définitivement les opérations, avec de nombreux protocoles de sécurité désormais pratique courante. Le Réseau de soutien de quartier de Calgary maintient des exigences de distanciation pendant la distribution, offre des collectes sur rendez-vous pour éviter les foules et poursuit les procédures de désinfection renforcées mises en œuvre au plus fort de la pandémie.
“Ce qui a commencé comme des mesures d’urgence s’est transformé en meilleures pratiques,” note Dr. Erica Powell, spécialiste de la sécurité alimentaire à l’Université du Manitoba. “Les banques alimentaires sont maintenant plus consciencieuses quant aux risques de contamination croisée et ont développé des programmes de formation spécialisés pour les bénévoles manipulant différents types d’aliments.”
La traçabilité est devenue un autre élément crucial. Les banques alimentaires modernes utilisent de plus en plus des systèmes d’inventaire numériques qui suivent les dons de la source au destinataire, permettant une réponse rapide si une contamination est découverte. Le Centre régional de soutien alimentaire de Vancouver a récemment mis en place un suivi par code QR qui leur permet d’identifier et de contacter les bénéficiaires en quelques heures si un rappel alimentaire affecte les articles distribués.
Cependant, maintenir ces protocoles de sécurité sophistiqués a un coût considérable. Un rapport récent de l’Association canadienne de la sécurité alimentaire estime que la mise en œuvre de systèmes de sécurité complets augmente les dépenses opérationnelles d’environ 22 %—un financement qui pourrait autrement servir à acheter des provisions alimentaires supplémentaires.
“Il ne s’agit pas seulement d’avoir assez de nourriture—il s’agit de s’assurer que cette nourriture est sécuritaire,” souligne Jordan Williams, directeur exécutif à Ottawa Food Share. “Nous avons dû prendre des décisions difficiles entre l’expansion des services et la mise à niveau de l’infrastructure de sécurité. Les deux sauvent des vies, simplement de différentes façons.”
Les banques alimentaires dirigées par des Autochtones font face à des défis particuliers pour équilibrer les pratiques alimentaires traditionnelles avec les normes de sécurité conventionnelles. Le Réseau de subsistance du Nord au Manitoba a développé des protocoles innovants qui respectent les pratiques alimentaires culturelles tout en incorporant des techniques de sécurité modernes—créant un modèle que d’autres organisations commencent à adopter.
“Les aliments traditionnels sont essentiels au bien-être physique et culturel de nos communautés,” explique Dana Beardy, coordinatrice du réseau. “Nous avons développé des protocoles qui honorent la souveraineté alimentaire autochtone tout en assurant le respect des normes de sécurité.”
Alors que l’insécurité alimentaire continue d’augmenter dans les communautés canadiennes, la pression sur les banques alimentaires va probablement s’intensifier. Leur capacité à maintenir des normes de sécurité rigoureuses tout en répondant à la demande croissante dépendra largement d’un financement accru, du soutien des bénévoles et d’approches innovantes en matière de sécurité alimentaire.
Alors que nous assistons à cette crise qui se déroule dans les communautés à l’échelle nationale, la question la plus pressante devient peut-être : notre société peut-elle continuer à compter sur les banques alimentaires caritatives pour résoudre les problèmes systémiques de faim, ou avons-nous besoin de changements politiques fondamentaux qui s’attaquent aux causes profondes de l’insécurité alimentaire tout en garantissant que chacun ait accès à une alimentation sûre et nutritive?