Une évaluation indépendante du milieu de travail de l’organisme civil de surveillance de la GRC au Canada a révélé un inquiétant schéma de dysfonctionnement et de détresse des employés, selon des documents obtenus par le biais de demandes d’accès à l’information. L’évaluation, menée l’année dernière à la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes (CCETP), dresse un portrait préoccupant d’un organisme chargé de tenir la force policière nationale responsable tout en luttant avec sa propre culture interne.
“Il y a un appel clair au changement,” indique le rapport d’évaluation du milieu de travail, qui détaille les témoignages de nombreux employés décrivant un environnement de travail toxique caractérisé par la peur, la microgestion et un manque de sécurité psychologique. Ces constatations sont particulièrement alarmantes étant donné le mandat de la CCETP d’assurer la transparence et la responsabilité au sein de la GRC.
Les employés de la Commission ont rapporté se sentir dévalorisés et démoralisés, beaucoup exprimant des préoccupations concernant des pratiques de leadership qui les laissent avec l’impression de ne pas être entendus et sous-estimés. “La situation s’est détériorée au point où le moral du personnel est gravement compromis,” a déclaré un employé senior sous couvert d’anonymat. “Comment pouvons-nous efficacement surveiller la conduite policière quand notre propre maison est dans un tel désordre?”
L’évaluation a été initiée suite à une vague de plaintes et de départs d’employés qui ont soulevé des drapeaux rouges sur la santé interne de l’organisation. Les documents révèlent que plus d’une douzaine d’enquêteurs et d’analystes expérimentés ont quitté la commission dans une période de 18 mois, citant la culture du milieu de travail comme facteur principal dans leurs décisions.
La présidente de la CCETP, Michelaine Lahaie, a reconnu avoir reçu l’évaluation dans une note interne mais s’est abstenue de s’engager à des réformes spécifiques. “Nous prenons les commentaires au sérieux et examinons les recommandations,” a écrit Lahaie, tout en défendant le travail global de la commission dans la fourniture d’une surveillance civile de la GRC.
Les critiques, y compris d’anciens employés et des experts en matière de police, soutiennent que le dysfonctionnement interne a un impact direct sur la capacité de la commission à remplir son mandat de surveillance. “Une organisation qui ne peut pas maintenir un milieu de travail sain ne peut pas scruter efficacement les autres,” a déclaré Dr. Kelsey Thompson, chercheur en responsabilité policière à l’Université York. “Le public compte sur la CCETP pour s’assurer que la GRC est tenue responsable, et ces conclusions minent la confiance dans ce mécanisme de surveillance.”
L’évaluation a recommandé plusieurs changements immédiats, notamment une formation au leadership, une amélioration des communications internes et l’établissement d’un comité pour un milieu de travail respectueux avec une représentation de tous les niveaux de l’organisation. Elle a également appelé à des évaluations de suivi régulières pour mesurer les progrès.
Le cabinet du ministre de la Sécurité publique Marco Mendicino a refusé de commenter spécifiquement l’évaluation du milieu de travail mais a déclaré qu'”une surveillance civile efficace des forces de l’ordre est une pierre angulaire de la confiance du public dans la police.” Le porte-parole du ministre a ajouté qu’ils s’attendent à ce que toutes les agences fédérales maintiennent des lieux de travail exempts de harcèlement et de toxicité.
Cette révélation survient à un moment difficile pour la CCETP, qui a été critiquée pour les longs délais dans le traitement des plaintes du public contre la GRC et les pouvoirs limités pour faire appliquer ses recommandations. Une enquête de Canada News l’année dernière a révélé que la GRC a rejeté ou seulement partiellement mis en œuvre près de 40% des recommandations de la commission au cours des cinq dernières années.
Les critiques de l’opposition se sont emparés de l’évaluation du milieu de travail comme preuve supplémentaire de la nécessité d’une réforme. “Comment les Canadiens peuvent-ils faire confiance à un organe de surveillance qui ne peut même pas maintenir un lieu de travail fonctionnel?” a demandé la critique conservatrice de la sécurité publique Raquel Dancho. “Ce gouvernement doit soit réparer la CCETP, soit la remplacer par quelque chose qui fonctionne.”
Les représentants syndicaux des employés de la commission ont appelé à une action immédiate sur les recommandations de l’évaluation, avertissant que l’inaction continue risque de détériorer davantage le milieu de travail et la capacité de la commission à remplir son mandat. “Il ne s’agit pas seulement de la satisfaction des employés—il s’agit de l’intégrité de la surveillance policière au Canada,” a déclaré le représentant syndical Jean-Michel Boudreau.
Alors que l’examen public des pratiques policières s’intensifie à travers le Canada, l’efficacité des mécanismes de surveillance devient de plus en plus cruciale. La question qui se pose maintenant à la CCETP et au gouvernement est de savoir si une réforme significative peut se produire assez rapidement pour restaurer à la fois la santé du milieu de travail interne et la confiance du public dans le rôle vital de surveillance de la commission.
Le système canadien de surveillance civile de la police sera-t-il capable de se réformer, ou faudra-t-il une intervention externe pour s’assurer que ceux qui surveillent les surveillants fonctionnent eux-mêmes efficacement?