Dans une semaine qui a reconfiguré le paysage diplomatique du Moyen-Orient, une cascade de nations européennes a formellement reconnu l’État palestinien, provoquant des ondes de choc dans les relations internationales. L’Espagne, l’Irlande et la Norvège ont fait leurs annonces mercredi, suivies quelques heures plus tard par la Slovénie—créant ce que de nombreux observateurs qualifient de changement significatif dans la politique occidentale envers ce conflit vieux de plusieurs décennies.
Pourtant, pour les Palestiniens vivant sous les réalités quotidiennes de l’occupation et de la guerre, ces victoires diplomatiques arrivent avec un mélange complexe d’espoir et de scepticisme.
“Ces reconnaissances surviennent alors que les bombes continuent de tomber sur Gaza,” explique Mahmoud Khalidi, analyste politique à Ramallah. “Bien que nous accueillions favorablement ces démarches diplomatiques, elles ne changent pas immédiatement la réalité sur le terrain où Israël maintient un contrôle effectif sur les territoires palestiniens.”
Cette dynamique diplomatique représente la vague de reconnaissance palestinienne la plus substantielle depuis 2014, lorsque la Suède est devenue le premier grand pays d’Europe occidentale à reconnaître formellement la Palestine. Actuellement, environ 140 pays—soit environ deux tiers des États membres de l’ONU—reconnaissent l’État palestinien, bien que les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne et d’autres puissances majeures restent notablement absents de cette liste.
Dans les rues dévastées de Gaza, où la crise humanitaire s’aggrave quotidiennement au milieu des opérations militaires en cours, les annonces de reconnaissance ont reçu une réponse modérée. “Que signifie la reconnaissance quand nous ne pouvons pas accéder à l’eau potable ou aux médicaments?” demande Fatima Abed, enseignante de 38 ans de Gaza-ville, s’exprimant via une connexion Internet instable. “Nous avons besoin d’actions concrètes, pas de gestes symboliques.”
Le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a rapidement condamné ces reconnaissances, les qualifiant de “récompenses pour le terrorisme” qui mineraient les efforts de paix. Le gouvernement israélien a convoqué les ambassadeurs d’Espagne, d’Irlande et de Norvège pour des réprimandes formelles—un blâme diplomatique standard qui signale le mécontentement de Jérusalem sans rompre complètement les relations.
La reconnaissance diplomatique ne représente qu’un aspect du chemin complexe vers un État palestinien viable. Comme nous l’avons déjà rapporté, la souveraineté pratique nécessite le contrôle du territoire, des structures de gouvernance et une viabilité économique—tous actuellement limités par l’occupation israélienne, les divisions internes palestiniennes et la situation catastrophique à Gaza.
Les initiatives européennes surviennent dans un contexte de pression internationale croissante sur Israël concernant sa campagne militaire à Gaza, où les autorités sanitaires rapportent plus de 35 000 Palestiniens tués depuis octobre. Ces reconnaissances suivent également le vote écrasant de l’Assemblée générale des Nations Unies en faveur de l’adhésion palestinienne à l’organisation mondiale, bien qu’une adhésion complète reste bloquée par un veto américain au Conseil de sécurité.
Le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a salué ces reconnaissances comme des “décisions historiques” conformes au droit international et aux résolutions de l’ONU. L’AP poursuit depuis longtemps la reconnaissance internationale comme pierre angulaire de sa stratégie diplomatique, même si sa légitimité nationale s’est affaiblie après des années sans élections.
Pour les réfugiés palestiniens dans les pays voisins, la reconnaissance offre une résonance émotionnelle complexe. “Mes grands-parents ont été expulsés en 1948, mes parents ont vécu toute leur vie en exil, et maintenant je vois mes enfants grandir comme réfugiés,” témoigne Omar Nasser, 45 ans, du camp de Burj al-Barajneh au Liban. “La reconnaissance valide notre identité, mais ne résout pas notre déplacement.”
Les experts en droit international notent que la reconnaissance seule ne crée pas automatiquement un État fonctionnel. “La reconnaissance est importante symboliquement et juridiquement, mais l’État pratique nécessite un contrôle territorial, une gouvernance efficace et une indépendance économique,” explique Dr. Sarah Thompson de l’Institut International d’Études Politiques et Diplomatiques.
Le moment choisi pour ces reconnaissances—en pleine catastrophe humanitaire à Gaza et alors que les efforts de paix sont au point mort—soulève des questions quant à leur impact pratique. Certains observateurs suggèrent qu’elles pourraient contribuer à faire pression sur Israël vers d’éventuelles négociations, tandis que d’autres craignent qu’elles ne durcissent les positions des deux côtés.
Alors que les Palestiniens naviguent entre espoir et pragmatisme, la question fondamentale demeure : la reconnaissance diplomatique se traduira-t-elle par des améliorations tangibles dans leur vie quotidienne, ou rejoindra-t-elle la longue liste des gestes internationaux qui n’ont pas réussi à résoudre l’un des conflits les plus insolubles au monde?