Après des années de batailles juridiques et de témoignages de patients, le recours collectif historique contre les géants pharmaceutiques Otsuka et Lundbeck concernant leur médicament antipsychotique Rexulti s’est conclu par un règlement de 4,75 millions de dollars pour les patients canadiens. Cette résolution marque une victoire importante pour des centaines de personnes qui affirmaient que le médicament avait provoqué des comportements compulsifs ayant dévasté leurs finances et leurs relations.
Le règlement, approuvé par la Cour supérieure de l’Ontario la semaine dernière, indemnisera les patients qui ont développé des comportements de jeu pathologique, d’hypersexualité, d’achats compulsifs et de crises de boulimie pendant qu’ils prenaient le médicament entre 2018 et 2022. Ces troubles du contrôle des impulsions seraient apparus sans avertissement, les plaignants soutenant que l’étiquetage du médicament ne divulguait pas adéquatement ces effets secondaires potentiels graves.
“Ce règlement reconnaît la souffrance profonde des patients qui faisaient confiance à leur médicament pour les aider, pour finalement se retrouver à lutter contre des compulsions destructrices qu’ils ne pouvaient pas contrôler,” a déclaré Margaret Chen, avocate principale des plaignants. “Beaucoup ont perdu leurs économies, leur mariage et leur dignité avant de faire le lien entre leurs comportements et le médicament.”
Rexulti, approuvé au Canada en 2017 pour la schizophrénie et comme traitement d’appoint pour le trouble dépressif majeur, agit en affectant les récepteurs de la dopamine et de la sérotonine dans le cerveau. Bien qu’efficace pour de nombreux patients souffrant de troubles mentaux graves, la poursuite alléguait que les propriétés dopaminergiques du médicament déclenchaient des comportements de recherche de récompense chez certains utilisateurs.
Selon les documents judiciaires, un plaignant, identifié uniquement comme J.M., a perdu plus de 300 000 $ au jeu dans les six mois suivant le début de Rexulti, malgré l’absence d’antécédents de jeu. Un autre a développé une hypersexualité si grave qu’elle a détruit son mariage de 15 ans avant que son médecin ne reconnaisse le lien avec le médicament.
Les fabricants, tout en acceptant le règlement, n’ont pas admis leur responsabilité. Leur déclaration souligne que “la décision de régler reflète un désir d’éviter des coûts de litige prolongés plutôt qu’une reconnaissance des allégations.” Les entreprises ont depuis mis à jour la monographie de produit de Rexulti au Canada pour inclure des avertissements plus visibles concernant les troubles du contrôle des impulsions.
Le fonds de règlement sera distribué en fonction de la gravité des impacts subis, avec une indemnisation allant de 7 500 $ à 40 000 $ par réclamant. Les patients qui pensent être admissibles ont jusqu’en septembre 2024 pour soumettre des réclamations documentant leur utilisation du médicament et les comportements qui en ont résulté.
La Dre Amrita Sandhu, psychiatre non impliquée dans le litige, a déclaré que cette affaire met en évidence les calculs difficiles entre risques et bénéfices dans le traitement psychiatrique. “Ces médicaments peuvent changer positivement la vie des personnes atteintes de maladies mentales graves. Mais nous devons être vigilants quant à la surveillance des effets secondaires inhabituels et veiller à ce que les patients soient pleinement informés de tous les risques potentiels.”
Santé Canada a confirmé qu’elle continue de surveiller le profil d’innocuité de Rexulti et des médicaments similaires. L’agence a signalé avoir reçu 78 rapports d’événements indésirables liés aux troubles du contrôle des impulsions potentiellement associés au médicament depuis son approbation.
Le système de santé canadien dépense environ 280 millions de dollars par année pour des médicaments antipsychotiques comme Rexulti, selon l’Institut canadien d’information sur la santé. Ces traitements demeurent une composante essentielle des soins psychiatriques malgré les effets secondaires reconnus.
Alors que les patients commencent à recevoir une indemnisation, des questions persistent quant à la responsabilité de l’industrie pharmaceutique dans la surveillance de l’innocuité des médicaments. Quand les fabricants sont-ils au courant des effets secondaires graves, et avec quelle rapidité devraient-ils être tenus de communiquer ces risques aux patients et aux professionnels de la santé? L’équilibre entre la mise sur le marché de traitements efficaces et la transparence complète concernant les préjudices potentiels reste une question controversée dans les débats sur les politiques de santé.