Dans un développement important qui pourrait affecter des millions de consommateurs canadiens, Uber Eats Canada fait face à une proposition d’action collective concernant des allégations de pratiques trompeuses de “prix goutte à goutte” qui pourraient induire les clients en erreur sur le coût réel des services de livraison de nourriture.
La contestation juridique, déposée à la Cour supérieure de l’Ontario, accuse le géant de la livraison alimentaire de dissimuler systématiquement des frais supplémentaires jusqu’à la fin du processus de paiement, une pratique qui, selon les critiques, diminue artificiellement les prix affichés que les consommateurs voient initialement en parcourant les restaurants.
“Ce que nous voyons est un cas classique de marketing appât-et-interrupteur qui finit par nuire aux consommateurs et aux entreprises concurrentes,” a déclaré Me Melissa Harrison, avocate des droits des consommateurs basée à Regina, qui représente les plaignants. “Les Canadiens méritent de la transparence lorsqu’ils prennent des décisions d’achat, surtout pour des services quotidiens comme la livraison de repas.”
Au cœur du procès se trouve l’allégation qu’Uber Eats pratique le “prix goutte à goutte” – une tactique marketing controversée où des frais obligatoires supplémentaires sont progressivement révélés tout au long du processus d’achat plutôt que d’être clairement divulgués dès le départ. Cette pratique masque effectivement le coût réel jusqu’à ce que les consommateurs aient déjà investi du temps dans le processus de commande, les rendant moins susceptibles d’abandonner leur achat malgré un prix final plus élevé que prévu.
Les documents judiciaires obtenus par CO24 révèlent que les plaignants réclament des dommages-intérêts de plus de 50 millions de dollars, alléguant des violations des lois provinciales sur la protection des consommateurs dans plusieurs juridictions au Canada. La poursuite affirme en outre que ces pratiques tarifaires ont été systématiquement mises en œuvre depuis au moins 2018.
Les groupes de défense des consommateurs critiquent depuis longtemps l’industrie de la livraison alimentaire pour ce qu’ils décrivent comme un manque de transparence des prix. Une étude récente du Conseil des consommateurs du Canada a révélé que les coûts finaux de livraison peuvent être jusqu’à 40% plus élevés que les prix initialement affichés aux utilisateurs lorsqu’ils parcourent pour la première fois les options de restaurants.
“Il ne s’agit pas seulement de quelques dollars supplémentaires sur votre commande de burger,” a expliqué Dr. Thomas Chen, professeur d’éthique des affaires à l’Université de Toronto. “Il s’agit d’équité fondamentale du marché et de savoir si les entreprises ont la responsabilité d’être transparentes avec les consommateurs dès le début du processus de transaction.”
L’action collective proposée vise à représenter tous les consommateurs canadiens qui ont utilisé les services d’Uber Eats depuis janvier 2018. Si elle est certifiée par les tribunaux, elle pourrait potentiellement inclure des centaines de milliers d’utilisateurs à travers le pays.
En réponse à la poursuite, Uber Eats Canada a fourni une déclaration à CO24 indiquant que l’entreprise estime que ses prix sont “transparents, compétitifs et en pleine conformité avec toutes les lois et réglementations canadiennes applicables.” Le porte-parole de l’entreprise a ajouté que “tous les frais sont clairement affichés avant que les clients ne confirment leurs commandes.”
Cependant, des documents internes cités dans la poursuite suggèrent que les propres recherches d’Uber ont montré des taux de conversion accrus lorsque certains frais étaient révélés plus tard dans le processus d’achat – une preuve que les plaignants affirment démontrer une stratégie délibérée pour obscurcir les coûts réels.
L’action en justice survient au milieu d’une surveillance réglementaire croissante des plateformes numériques au Canada et dans le monde. L’année dernière, le Bureau de la concurrence du Canada a lancé une étude de marché sur les plateformes de livraison en ligne, examinant des questions telles que la transparence des prix et les pratiques concurrentielles.
Des actions collectives similaires contre des services de livraison alimentaire ont gagné du terrain dans d’autres juridictions, notamment un règlement de 2021 aux États-Unis où DoorDash a accepté de payer 2,5 millions de dollars pour résoudre des allégations de pratiques de frais trompeuses à Washington, D.C.
Alors que les consommateurs canadiens dépendent de plus en plus des services de livraison, particulièrement depuis que la pandémie a accéléré l’adoption de ces plateformes, la question demeure: cette contestation juridique changera-t-elle fondamentalement la façon dont les applications de livraison divulguent leurs prix, ou les consommateurs continueront-ils à faire face à des coûts inattendus lors du paiement?