La fin inattendue d’un programme essentiel de sécurité alimentaire autochtone au Yukon a mis en lumière des lacunes préoccupantes dans l’approche canadienne du financement des services communautaires essentiels. L’initiative Wildfire des Premières Nations du Yukon, qui fournissait des aliments traditionnels aux membres vulnérables de la communauté tout en créant des opportunités d’emploi significatives, a récemment perdu son financement fédéral malgré son succès avéré et une demande communautaire croissante.
“Nous servions plus de 200 familles par semaine avec des viandes traditionnelles et des aliments culturellement adaptés,” explique Shadelle Chambers, directrice générale du Conseil des Premières Nations du Yukon (CYFN). “Il ne s’agissait pas seulement de nourriture, mais aussi de connexion culturelle, de guérison communautaire et d’opportunités économiques pour notre peuple.”
Le programme, lancé pendant la pandémie, incarnait des solutions dirigées par les Autochtones pour lutter contre l’insécurité alimentaire tout en répondant simultanément aux défis du chômage. Des chasseurs et pêcheurs autochtones étaient employés pour récolter des aliments traditionnels comme l’orignal, le saumon et le caribou, qui étaient ensuite distribués aux aînés et aux familles vulnérables dans tout le territoire.
L’arrêt du programme découle de structures de financement fédérales rigides qui catégorisent les initiatives soit comme “réponse d’urgence” soit comme “programmes permanents”, ne reconnaissant pas la réalité complexe des besoins des communautés autochtones qui transcendent souvent ces distinctions artificielles. Malgré le succès démontrable du programme et les défis persistants de sécurité alimentaire du territoire, il a été jugé inadmissible à la continuation du financement d’urgence lié à la pandémie.
Selon les statistiques récentes de Banques alimentaires Canada, l’insécurité alimentaire dans les territoires du Nord demeure environ trois fois plus élevée que la moyenne nationale. Les communautés autochtones sont particulièrement vulnérables, certaines communautés du Yukon signalant que jusqu’à 40% des résidents font face à des difficultés pour accéder à une nutrition adéquate.
Ce qui rend cette situation particulièrement frustrante pour les leaders communautaires, c’est que le programme abordait simultanément plusieurs problèmes interconnectés. Au-delà d’améliorer la nutrition, il créait des emplois significatifs alignés avec les pratiques culturelles, renforçait les liens communautaires et soutenait la transmission des savoirs traditionnels – des résultats parfaitement alignés avec les engagements fédéraux en matière de réconciliation.
“C’est un exemple classique de structures coloniales qui minent les solutions autochtones,” note Dr. Hannah Thompson, chercheuse en sécurité alimentaire à l’Institut du Nord pour la politique autochtone. “Quand les communautés développent des approches innovantes qui ne s’inscrivent pas parfaitement dans les catégories de financement gouvernemental, elles se retrouvent souvent abandonnées malgré des succès remarquables.”
Le Conseil des Premières Nations du Yukon cherche maintenant des sources de financement alternatives tout en appelant à des réformes structurelles sur la façon dont les programmes autochtones sont évalués et soutenus. Ils soutiennent qu’une approche véritablement décolonisée prioriserait les critères de réussite définis par la communauté et reconnaîtrait la nature interconnectée de la sécurité alimentaire, de la continuité culturelle et du développement économique.
Le gouvernement territorial a exprimé son soutien au programme mais manque de ressources pour le financer entièrement de façon indépendante. Pendant ce temps, des centaines de familles qui comptaient sur ces livraisons d’aliments traditionnels font maintenant face à une pression accrue sur leur budget familial et à un accès réduit à une nutrition culturellement appropriée.
Cette situation met en lumière un défi plus large dans la politique canadienne concernant la durabilité des programmes autochtones. Malgré une forte rhétorique sur la réconciliation et l’autodétermination, les communautés autochtones se retrouvent souvent à naviguer dans des labyrinthes bureaucratiques qui sapent plutôt que soutiennent leurs solutions innovantes à des défis de longue date.
Alors que l’hiver approche dans le Nord, apportant des coûts alimentaires plus élevés et un isolement accru pour les communautés éloignées, la question demeure : comment le Canada peut-il réformer son approche du financement des initiatives dirigées par les Autochtones pour garantir que des programmes réussis comme celui-ci ne tombent pas dans les failles des définitions bureaucratiques?