Face à la crise persistante de consommation de substances au Canada, l’approche innovante de Guelph en matière de réduction des méfaits commence à porter ses fruits. Le Centre de l’Équipe de Réduction des Méfaits (HART), qui a ouvert ses portes en février, est rapidement devenu un service essentiel pour les membres vulnérables de la communauté, selon les données récentes de Santé publique de Wellington-Dufferin-Guelph.
Lors d’une réunion du conseil de santé la semaine dernière, les responsables ont révélé que le centre du centre-ville a déjà accueilli 235 clients uniques depuis son lancement, dont plusieurs sont revenus à plusieurs reprises. L’établissement a enregistré 2 119 visites au total en seulement quatre mois d’activité, démontrant le besoin important de tels services dans la communauté.
“Ce que nous observons au Centre HART correspond exactement à nos attentes—des personnes qui accèdent à des services de santé essentiels alors qu’elles risqueraient autrement de passer entre les mailles du filet,” a déclaré Dr Matthew Tenenbaum, médecin hygiéniste adjoint. “Plusieurs de ces individus se retrouveraient probablement aux urgences ou, pire encore, souffriraient seuls sans aucun soutien.”
Le centre offre une gamme complète de services de réduction des méfaits, incluant la consommation supervisée, le counseling en toxicomanie, des soins de santé primaires et, de façon cruciale, des connexions avec les services sociaux et des soutiens au logement. Cette approche intégrée aborde non seulement les risques immédiats liés à la consommation de substances, mais aussi les déterminants sociaux de la santé.
L’élément peut-être le plus significatif dans les premières données est la réussite du centre à prévenir les surdoses mortelles. Le personnel est intervenu lors de 30 surdoses depuis l’ouverture, sans aucun décès rapporté. En comparaison, Wellington-Dufferin-Guelph a enregistré 41 décès confirmés liés aux opioïdes en 2022, soulignant le potentiel de sauvetage des services de consommation supervisée.
“Chaque surdose évitée représente une vie sauvée et une nouvelle opportunité de créer un lien,” a expliqué Karen Kirkwood, directrice du Centre HART. “Nous établissons des relations avec des personnes souvent marginalisées par les systèmes de santé traditionnels.”
L’établissement a également distribué près de 45 000 fournitures stériles, incluant des seringues et des pipes, aidant à réduire la transmission d’infections transmissibles par le sang comme le VIH et l’hépatite C. Cette approche de réduction des méfaits est soutenue par des preuves substantielles démontrant qu’elle réduit la consommation en public, améliore la sécurité publique et crée des voies vers le traitement.
Des critiques ont exprimé des inquiétudes concernant la possibilité que de tels établissements augmentent la criminalité ou les troubles à l’ordre public. Cependant, les premières données provenant de sites similaires à travers le Canada ont systématiquement montré des impacts neutres ou positifs sur les indicateurs de sécurité communautaire. Les autorités locales continuent de surveiller attentivement ces facteurs alors que le Centre HART s’établit au centre-ville de Guelph.
Le centre représente une partie d’une stratégie de santé publique plus large qui reconnaît la consommation de substances comme un problème de santé complexe plutôt qu’une simple question de choix personnel. De nombreux clients rapportent des antécédents de traumatisme, de pauvreté, de problèmes de santé mentale et d’instabilité en matière de logement—des facteurs qui augmentent considérablement la vulnérabilité à la consommation problématique de substances.
“Nous ne pouvons pas simplement demander aux gens d’arrêter de consommer des substances sans aborder les raisons pour lesquelles ils ont commencé,” a souligné Dr Nicola Mercer, médecin hygiéniste. “Le Centre HART crée un espace sans jugement où les gens peuvent recevoir des soins, peu importe où ils en sont dans leur parcours.”
Alors que l’initiative de Guelph montre des signes précoces de réussite, d’autres communautés à travers l’Ontario observent attentivement. La province continue de faire face à un nombre record de décès par surdose, les données préliminaires suggérant que 2023 pourrait avoir été l’année la plus meurtrière à ce jour. Le paysage politique entourant la réduction des méfaits demeure controversé, avec des débats en cours sur l’équilibre approprié entre l’application de la loi, le traitement et les approches de réduction des méfaits.
Pour l’instant, les responsables de la santé à Guelph demeurent prudemment optimistes quant à la trajectoire du Centre HART. “Nous n’en sommes qu’aux débuts,” a souligné Dr Tenenbaum. “Mais ce que nous observons suggère que nous allons dans la bonne direction. Chaque vie sauvée, chaque infection évitée, chaque lien créé représente une victoire.”
Alors que les communautés à travers le Canada continuent de chercher des réponses efficaces à la crise de consommation de substances, la question cruciale demeure: le succès précoce d’initiatives comme le Centre HART peut-il convaincre les sceptiques que la réduction des méfaits mérite une place centrale dans notre approche de santé publique, ou la résistance politique et sociale continuera-t-elle à limiter leur mise en œuvre?