Dans un tournant remarquable qui a secoué le système judiciaire québécois, les procureurs de la Couronne ont reconnu que Michel Dunn—condamné pour quatre meurtres en 1994—n’a peut-être pas bénéficié d’un procès équitable. Cette admission stupéfiante survient près de trois décennies après que Dunn ait été condamné à l’emprisonnement à perpétuité pour ce qui était alors décrit comme l’une des séries de meurtres les plus choquantes du Québec.
“L’intégrité de notre système judiciaire exige que nous reconnaissions quand des erreurs fondamentales ont pu se produire, peu importe le temps écoulé,” a déclaré Marie-Claude Bourassa, procureure principale chargée de réviser l’affaire. “Des preuves qui n’ont pas été correctement examinées à l’époque soulèvent d’importantes préoccupations quant à l’équité du procès initial de M. Dunn.”
L’affaire avait initialement captivé l’attention nationale lorsque quatre corps ont été découverts dans les régions rurales du Québec entre mars et juin 1994. Dunn a été arrêté suite à une enquête intensive et ensuite condamné principalement sur la base de preuves circonstancielles et de témoignages. Cependant, une nouvelle analyse médico-légale réalisée dans le cadre d’une révision par le Groupe d’examen des condamnations criminelles a identifié d’importantes incohérences dans les preuves originales.
Le plus troublant parmi ces résultats est la découverte de matériel génétique qui ne correspond pas au profil de Dunn, ainsi que des preuves balistiques qui contredisent les témoignages d’experts présentés au procès. Les responsables du ministère de la Justice ont noté que plusieurs témoins clés se sont depuis rétractés ou ont considérablement modifié leurs déclarations, affirmant que la pression policière avait influencé leur témoignage initial.
L’avocate de la défense Geneviève Bertrand, qui représente désormais Dunn, a déclaré que cela représente “une profonde erreur judiciaire qui a coûté 29 ans de sa vie à un innocent.” L’équipe de Bertrand a déposé une documentation complète démontrant que des preuves cruciales ont été soit négligées, soit mal interprétées lors du procès initial.
Le ministre de la Justice du Québec a ordonné une révision complète de l’affaire, déclarant que “notre système doit être suffisamment solide pour corriger ses erreurs, peu importe le retard de cette correction.” Le ministre a promis une transparence totale tout au long du processus de révision.
Des experts juridiques soulignent que cette affaire met en lumière l’évolution de la science médico-légale et des normes de preuve au cours des trois dernières décennies. “Ce qui était considéré comme une preuve concluante en 1994 pourrait ne pas répondre aux critères scientifiques d’aujourd’hui,” a expliqué le Dr. Antoine Legault, professeur de droit pénal à l’Université Laval. “Les progrès de l’analyse ADN à eux seuls ont révolutionné notre façon d’évaluer les preuves physiques.”
Les familles des victimes ont exprimé des réactions mitigées. Tandis que certaines restent convaincues de la culpabilité de Dunn, d’autres se sont jointes aux appels pour un réexamen approfondi. Marie Tremblay, dont la sœur était parmi les personnes assassinées, a déclaré aux journalistes: “Nous avons vécu avec une certaine compréhension de la justice pendant des décennies. Si cette compréhension était fondée sur le mensonge, alors nous méritons de connaître la vérité autant que quiconque.”
Cette affaire rejoint une liste croissante de condamnations vieilles de plusieurs décennies qui sont réexaminées à travers le Canada à mesure que les techniques médico-légales progressent et que les normes de conduite policière évoluent. Des révisions similaires en Ontario et en Colombie-Britannique ont abouti à plusieurs innocentations ces dernières années.
Si la condamnation de Dunn était annulée, cela représenterait l’une des plus longues incarcérations injustifiées de l’histoire canadienne. La question qui hante maintenant tant le système judiciaire que la société québécoise: combien d’autres cas de cette époque pourraient également ne pas répondre aux normes contemporaines de preuve et de procédure régulière?