Dans une ère où les flux de capitaux mondiaux circulent avec une vitesse et un volume sans précédent, le cadre réglementaire canadien des valeurs mobilières commence à montrer des signes inquiétants de vieillissement. Bien que nous ayons longtemps été fiers d’avoir des marchés financiers robustes qui surpassent notre poids économique, une réalité troublante émerge : notre environnement réglementaire est de plus en plus en décalage avec les normes internationales, ce qui désavantage potentiellement les entreprises canadiennes dans la course mondiale aux investissements.
Le problème n’est pas que le Canada manque d’infrastructure financière sophistiquée—nous en avons certainement en abondance. C’est plutôt que notre évolution réglementaire s’est ralentie alors que nos concurrents font des bonds en avant. Cette stagnation réglementaire survient au pire moment, alors que la finance numérique sans frontières redéfinit la façon dont les capitaux sont levés et déployés dans le monde entier.
“Le cadre réglementaire canadien des valeurs mobilières était autrefois considéré comme une référence,” explique Martin Lalonde, spécialiste en finance d’entreprise avec qui j’ai discuté la semaine dernière. “Mais nous avons constaté des réformes minimales au cours de la dernière décennie, tandis que des juridictions comme le Royaume-Uni, Singapour et même les États-Unis ont mis en œuvre d’importantes modernisations.”
Cette inertie réglementaire se manifeste de plusieurs façons problématiques. Le morcellement provincial persistant de la réglementation des valeurs mobilières—malgré des décennies de discussions sur l’harmonisation nationale—crée une complexité inutile pour les entreprises cherchant à lever des capitaux à travers le Canada. Le “système de passeport” était censé simplifier ce processus, mais il reste une demi-mesure qui n’offre pas la clarté réglementaire des systèmes centralisés dans les nations concurrentes.
Plus inquiétante encore est notre approche de plus en plus dépassée face aux mécanismes d’investissement émergents. Alors que d’autres juridictions ont développé des cadres réglementaires réfléchis pour les offres de cryptomonnaies, les titres tokenisés et autres innovations financières basées sur la blockchain, l’approche du Canada a été largement réactive et fragmentaire. Cela crée une incertitude qui pousse les entreprises financières innovantes à s’établir ailleurs.
Les chiffres racontent une histoire préoccupante. Une analyse récente de l’Institut C.D. Howe a révélé que les introductions en bourse au Canada ont diminué de près de 40% au cours de la dernière décennie, tandis que le capital-investissement et le capital-risque contournent de plus en plus les marchés publics canadiens en faveur de juridictions plus flexibles. Lorsque des startups canadiennes prometteuses atteignent leur phase de croissance, elles se tournent davantage vers des bourses étrangères et des investisseurs opérant dans des environnements réglementaires plus agiles.
Soyons clairs, il ne s’agit pas d’un plaidoyer pour la déréglementation. Des protections robustes pour les investisseurs restent essentielles à l’intégrité du marché. Mais un consensus croissant émerge parmi les acteurs du marché que le Canada peut maintenir ces protections tout en modernisant son approche. Le défi est de trouver la volonté politique pour prioriser ces changements.
“La réglementation canadienne des valeurs mobilières fonctionne selon ce que j’appellerais un ‘cycle de réponse aux crises’,” note Samantha Chen, chercheuse en gouvernance d’entreprise à l’Université Queen’s. “Nous réalisons des réformes significatives principalement après des échecs du marché ou des scandales, plutôt que de nous adapter de manière proactive aux normes mondiales changeantes.”
Cette approche réactive désavantage les entreprises canadiennes dans l’arène mondiale de plus en plus compétitive. Bien que notre couverture des tendances ait documenté les forces du Canada dans des secteurs comme les technologies propres, l’intelligence artificielle et la fabrication de pointe, ces industries en croissance nécessitent un accès efficace aux capitaux pour se développer à l’échelle mondiale. Notre environnement réglementaire actuel pourrait compromettre ces avantages.
La voie à suivre n’est pas mystérieuse. Nous devons revitaliser les efforts vers un régulateur national des valeurs mobilières avec la flexibilité nécessaire pour s’adapter rapidement aux conditions évolutives du marché. Nous devrions étudier les innovations réglementaires de juridictions comme Singapour et le Royaume-Uni qui ont réussi à équilibrer la protection des investisseurs avec l’efficacité réglementaire. Et plus urgemment, nous devons développer des cadres complets pour les technologies financières émergentes plutôt que de les aborder par des mesures d’application.
Ces réformes ne sont pas simplement des ajustements techniques intéressant uniquement les initiés de Bay Street. Elles ont un impact direct sur la compétitivité économique du Canada, la création d’emplois et la capacité à retenir l’innovation locale. La prospérité du Canada dépend de plus en plus de notre capacité à construire des entreprises mondialement compétitives—et cela nécessite des marchés de capitaux tout aussi compétitifs.
La bonne nouvelle est que le Canada possède encore d’énormes forces sur lesquelles s’appuyer. Nos institutions financières restent parmi les plus stables au monde. Notre surveillance du marché a généralement été efficace pour prévenir les scandales majeurs. Et notre bassin de talents dans les services financiers demeure de classe mondiale. Mais ces avantages ne nous soutiendront pas si notre cadre réglementaire continue de se calcifier pendant que le monde avance.
Alors que l’économie mondiale navigue en eaux incertaines—des préoccupations liées à l’inflation aux tensions géopolitiques—les pays dotés de cadres réglementaires efficaces et clairs attireront des investissements disproportionnés. La question n’est pas de savoir si le Canada a besoin d’une réforme de la réglementation des valeurs mobilières, mais si nous trouverons la volonté politique et institutionnelle pour la prioriser avant que notre position concurrentielle ne s’érode davantage.
Pour les entreprises canadiennes, les investisseurs et, en fin de compte, tous les citoyens qui bénéficient d’une économie prospère, les enjeux ne pourraient être plus importants.