Dans une décision déterminante visant à équilibrer la liberté d’expression et la sécurité communautaire, le conseil municipal de Toronto a voté massivement mardi pour établir des zones tampons autour des écoles et des lieux de culte. Le nouveau règlement, adopté par un vote écrasant de 22 contre 3, interdira les manifestations dans un rayon de 100 mètres de ces institutions lorsqu’elles ciblent des activités s’y déroulant.
Cette législation intervient après des mois de tensions croissantes dans toute la ville, où des manifestations—particulièrement celles concernant le conflit israélo-palestinien—ont perturbé les environnements éducatifs et les rassemblements religieux. La mairesse Olivia Chow, qui a défendu cette mesure, l’a présentée comme une protection nécessaire pour les communautés vulnérables.
“Aucun enfant ne devrait se sentir intimidé en allant à l’école, et personne ne devrait se sentir menacé en pratiquant sa foi,” a déclaré la mairesse Chow lors des délibérations du conseil. “Cette approche équilibrée protège à la fois la liberté d’expression et le droit de notre communauté à la sécurité et à la paix.”
Le règlement cible spécifiquement les manifestations qui “interfèrent déraisonnablement” avec l’accès à ces institutions ou créent des environnements intimidants pour ceux qui y entrent ou en sortent. Les infractions pourraient entraîner des amendes atteignant 50 000 $ pour les entreprises et 25 000 $ pour les particuliers en cas de condamnation.
Les défenseurs des libertés civiles ont exprimé leurs préoccupations quant aux possibles contestations constitutionnelles. L’Association canadienne des libertés civiles a averti que cette mesure pourrait faire l’objet d’un examen juridique en vertu des protections de la Charte concernant la liberté d’expression et de rassemblement. Cependant, les conseillers juridiques de la ville ont informé le conseil que des législations similaires de “zone tampon” ont déjà résisté à des contestations constitutionnelles lorsqu’elles étaient étroitement définies et répondaient à des préoccupations légitimes de sécurité.
Le conseiller municipal Josh Matlow, qui avait initialement proposé cette mesure en février, a souligné des preuves de perturbations allant au-delà de la manifestation pacifique. “Nous avons vu des manifestations où des protestataires ont utilisé des mégaphones directement devant les fenêtres des écoles pendant les heures de cours, affiché des images graphiques visibles par de jeunes enfants, et bloqué les entrées des synagogues pendant les services,” a expliqué Matlow.
Les responsables des commissions scolaires ont accueilli favorablement cette décision, citant des incidents où des élèves ont signalé se sentir intimidés ou en danger. “Les environnements éducatifs doivent rester des sanctuaires pour l’apprentissage,” a déclaré Rachel Chernos Lin, présidente du Conseil scolaire du district de Toronto. “Ce règlement aide à garantir que les élèves peuvent se concentrer sur leur éducation sans perturbation externe ou peur.”
Le règlement devrait entrer en vigueur début août après un examen juridique final. Sa mise en œuvre impliquera une coordination entre les agents municipaux et le Service de police de Toronto, l’application privilégiant l’éducation avant les sanctions.
Bien que le règlement concerne une catégorie spécifique de manifestations, il n’empêche pas les protestations dans d’autres espaces publics de la ville. Les manifestants conservent leur droit de se rassembler devant les hôtels de ville, sur les places publiques et dans d’autres forums traditionnels d’expression publique—simplement pas à proximité immédiate des écoles et des lieux de culte lorsqu’ils ciblent des activités au sein de ces institutions.
Alors que Toronto met en œuvre cette nouvelle mesure de protection, des questions demeurent quant à la façon dont elle va remodeler le paysage de la manifestation publique dans la plus grande ville du Canada. Cette approche parviendra-t-elle à équilibrer efficacement les préoccupations de sécurité avec les droits à la libre expression, ou pourrait-elle établir un précédent pour d’autres restrictions sur les lieux où les Canadiens peuvent exprimer leurs opinions politiques?