Le plan ambitieux du gouvernement fédéral pour rendre le parc immobilier canadien plus écologique a involontairement créé un labyrinthe réglementaire que les constructeurs, promoteurs et acheteurs de maisons peinent à naviguer. Alors qu’Ottawa impose des exigences d’efficacité énergétique de plus en plus strictes, une approche fragmentée de leur mise en œuvre menace de compromettre les objectifs environnementaux mêmes que ces mesures visent à atteindre.
“Nous constatons de la confusion à tous les niveaux de l’écosystème du logement,” affirme Martin Hildebrand, président de l’Association canadienne des constructeurs d’habitations. “Les constructeurs veulent se conformer, mais lorsque les exigences fédérales, provinciales et municipales entrent en conflit, cela crée des retards coûteux et des incertitudes qui finissent par être répercutés sur les acheteurs.”
La dernière version du Code national du bâtiment établit de nouveaux paliers de performance énergétique que les provinces peuvent adopter, mais la mise en œuvre varie considérablement à travers le Canada. La Colombie-Britannique a adopté les normes les plus élevées avec son BC Energy Step Code, tandis que d’autres provinces maintiennent des exigences minimales ou développent leurs propres cadres. Cette approche disparate a créé un cauchemar de conformité pour les promoteurs nationaux opérant au-delà des frontières provinciales.
Pour compliquer davantage les choses, Ressources naturelles Canada a récemment mis à jour ses programmes de certification ENERGY STAR et R-2000, qui coexistent maintenant avec le Programme d’étiquetage de maisons à consommation nette zéro de l’Association canadienne des constructeurs d’habitations. Bien que ces programmes volontaires offrent des orientations précieuses, ils fragmentent davantage le paysage réglementaire sans fournir une voie de conformité unifiée.
Les conséquences vont au-delà des maux de tête administratifs. Les experts de l’industrie estiment que ces incohérences réglementaires ajoutent entre 15 000 $ et 30 000 $ au coût des nouvelles maisons—un fardeau considérable dans un marché immobilier déjà surchauffé. “À un moment où l’abordabilité du logement atteint des niveaux de crise, nous rendons involontairement les maisons plus chères à cause de l’inefficacité réglementaire,” note l’économiste du logement Patricia Moreno.
Pour les acheteurs, la situation est tout aussi déroutante. Une récente enquête d’Abacus Data a révélé que 72 % des acheteurs potentiels considèrent l’efficacité énergétique comme importante, mais seulement 23 % comprennent ce que les diverses certifications et normes signifient réellement en pratique. Cette lacune de connaissances mine la confiance des consommateurs et réduit la demande du marché pour les maisons à haute performance.
Les experts en politique climatique reconnaissent le défi mais soulignent l’urgence de progresser. “Le secteur du bâtiment représente près de 18 % des émissions de gaz à effet de serre du Canada,” explique Dr. Lawrence Chen, chercheur en politique environnementale à l’Université de Toronto. “Nous ne pouvons pas respecter nos engagements climatiques sans aborder la consommation d’énergie dans les habitations, mais nous devons le faire d’une manière cohérente et réalisable.”
Certaines juridictions trouvent des moyens de simplifier le processus. La ville de Toronto a aligné sa norme verte avec les codes du bâtiment provinciaux et les programmes fédéraux, créant un système de paliers clair que les promoteurs peuvent suivre. Cette approche a reçu les éloges tant des défenseurs de l’environnement que des représentants de l’industrie.
Le gouvernement fédéral a reconnu ces préoccupations et a récemment lancé un processus de consultation pour mieux harmoniser les normes à travers le pays. Cependant, de nombreux intervenants de l’industrie demeurent sceptiques quant au calendrier pour un changement significatif.
Alors que le Canada poursuit sa transition vers un avenir à zéro émission nette, la question demeure : pouvons-nous trouver une approche réglementaire qui équilibre l’ambition environnementale avec une mise en œuvre pratique, ou continuerons-nous à bâtir un avenir vert sur une fondation de confusion réglementaire?