Relations diplomatiques Inde-Canada 2024 : Le nouvel envoyé pousse à la réinitialisation
Dans le cadre tranquille de l’enclave diplomatique d’Ottawa, le nouvel ambassadeur de l’Inde au Canada, Sanjay Kumar Verma, frappe des coups calculés sur un terrain de pickleball—une métaphore appropriée pour la diplomatie précise qu’il emploie pour naviguer l’une des périodes les plus difficiles des relations indo-canadiennes. Ce diplomate de carrière de 60 ans, arrivé au Canada en septembre 2022, fait face maintenant à la tâche délicate de reconstruire des liens bilatéraux qui se sont détériorés dramatiquement suite aux allégations explosives du premier ministre canadien Justin Trudeau en septembre dernier.
“La diplomatie ne se limite pas aux rencontres formelles,” a expliqué Verma lors d’une rare entrevue à sa résidence. “Parfois, les conversations les plus productives se déroulent dans des cadres informels où les barrières tombent.” Cette philosophie guide son approche alors qu’il tente de réchauffer les relations entre la démocratie la plus peuplée du monde et un pays du G7—une relation maintenant caractérisée par des expulsions mutuelles de diplomates, des tensions commerciales et la suspension des services de visa.
La crise diplomatique a éclaté lorsque Trudeau a affirmé posséder des renseignements liant des agents du gouvernement indien au meurtre en juin 2023 de Hardeep Singh Nijjar, un citoyen canadien qualifié de terroriste par l’Inde pour son plaidoyer en faveur du Khalistan, une patrie sikhe indépendante. L’Inde a vigoureusement nié ces allégations, les qualifiant “d’absurdes” et “politiquement motivées,” tout en exigeant que le Canada fournisse des preuves concrètes pour appuyer ses affirmations.
Les retombées ont été graves et multiformes. Les négociations commerciales ont été suspendues, les contacts diplomatiques de haut niveau gelés, et la stratégie indo-pacifique du Canada effectivement déraillée. Selon les médias locaux, le commerce bilatéral, qui a atteint 8,8 milliards de dollars en 2022, fait désormais face à des vents contraires importants, affectant particulièrement les exportations agricoles canadiennes et le secteur de l’éducation, qui accueille près de 320 000 étudiants indiens.
“Nous opérons dans un environnement de confiance diminuée,” a noté Michael Hawes, directeur exécutif de Fulbright Canada et expert en relations internationales. “L’ambassadeur Verma fait face à la tâche ingrate de maintenir des canaux diplomatiques essentiels tout en naviguant des allégations sérieuses que son gouvernement rejette catégoriquement.”
Malgré ces tensions, Verma a maintenu un profil public actif, participant à des forums d’affaires, des événements culturels, et engageant avec la communauté indo-canadienne forte de 1,8 million de personnes. Son approche représente ce que les analystes décrivent comme une “diplomatie compartimentée”—faire progresser la coopération dans des domaines moins litigieux tout en gérant des désaccords fondamentaux.
Les enjeux dépassent les relations bilatérales. L’importance stratégique croissante de l’Inde comme contrepoids à la Chine rend cette impasse diplomatique particulièrement difficile pour la politique étrangère canadienne. Les fonds de pension canadiens ont investi plus de 45 milliards de dollars en Inde, rendant le découplage économique peu pratique malgré les tensions politiques.
“Nous devons nous concentrer sur les 90% des questions où nous partageons des intérêts communs plutôt que les 10% où nous différons,” a déclaré Verma, soulignant des domaines comme le changement climatique, la transition énergétique, et la sécurité alimentaire comme des ponts potentiels. Cette approche pragmatique s’aligne sur la stratégie diplomatique plus large de l’Inde sous le premier ministre Narendra Modi, qui privilégie les intérêts économiques et stratégiques tout en défendant fermement les préoccupations de souveraineté.
Des développements récents suggèrent une voie possible vers l’avant. Des efforts diplomatiques discrets ont permis à l’Inde de reprendre certains services de visa pour les ressortissants canadiens, et des responsables commerciaux des deux pays ont tenu des discussions informelles en marge de forums multilatéraux. Ces petits pas indiquent que les deux nations reconnaissent le caractère insoutenable d’un éloignement diplomatique prolongé.
Pour Verma, dont la carrière diplomatique s’étend sur plus de trois décennies à travers plusieurs continents, cette mission représente peut-être son défi le plus important. “Les diplomates sont des bâtisseurs de ponts, même lorsque les eaux en dessous sont turbulentes,” a-t-il réfléchi. Son optimisme mesuré suggère que bien qu’une normalisation complète reste lointaine, des progrès progressifs sont possibles.
Alors que le Canada et l’Inde naviguent ce terrain diplomatique complexe en 2024, une question fondamentale émerge : deux démocraties avec des valeurs partagées mais des perceptions de sécurité divergentes peuvent-elles trouver un terrain d’entente, ou les calculs géopolitiques et les considérations politiques intérieures continueront-ils à les éloigner?