Dans un changement radical par rapport à des décennies de politique de défense, l’engagement du Canada pour 2025 d’atteindre le seuil de 2 % des dépenses de défense de l’OTAN marque un moment décisif pour une nation longtemps critiquée pour avoir profité de ses alliés. Cette décision cruciale, annoncée dans un contexte de tensions mondiales croissantes, ne représente pas simplement un ajustement financier—elle signale l’évolution de la position du Canada sur la scène mondiale et la reconnaissance des nouvelles réalités géopolitiques.
“L’époque où le Canada était perçu comme un profiteur de la sécurité touche à sa fin,” a déclaré la ministre de la Défense Anita Anand lors du briefing parlementaire d’hier. “Notre engagement à atteindre le seuil de 2 % d’ici 2025 démontre notre détermination à être un partenaire fiable en matière de sécurité dans un monde de plus en plus instable.”
Pour situer le contexte, le Canada figure constamment parmi les pays de l’OTAN qui dépensent le moins pour la défense, avec environ 1,3 % du PIB ces dernières années—bien en dessous de l’objectif de 2 % convenu par l’alliance. Cette insuffisance de longue date a nui à la réputation du Canada auprès de ses alliés, particulièrement alors que la posture agressive de la Russie dans l’Arctique et l’influence mondiale croissante de la Chine présentent des défis directs à la souveraineté et aux intérêts canadiens.
Les analystes militaires identifient plusieurs facteurs à l’origine de ce revirement politique. L’invasion russe de l’Ukraine a considérablement modifié le paysage sécuritaire européen, tandis que les tensions croissantes dans la région indo-pacifique ont exposé les vulnérabilités des postures de défense occidentales. De plus, la pression constante des États-Unis—qui supportent environ 70 % des dépenses totales de défense de l’OTAN—a créé des frictions diplomatiques qu’Ottawa ne peut plus ignorer.
“Il ne s’agit pas simplement d’apaiser Washington,” explique Dre Margaret Vickers, chercheuse principale à l’Institut canadien des affaires mondiales. “C’est une reconnaissance que le monde a changé. L’ordre international fondé sur des règles dont dépend le Canada nécessite non seulement un investissement diplomatique mais aussi militaire pour se maintenir.”
L’augmentation des dépenses—estimée à environ 17 milliards de dollars annuellement au-dessus des niveaux actuels—donnera la priorité à la souveraineté dans l’Arctique, aux capacités cybernétiques et à la modernisation de la flotte navale vieillissante du Canada. Le programme de navires de combat de surface de la Marine royale canadienne, en proie à des retards et des dépassements de coûts, recevra un financement accéléré pour faire face aux défis maritimes croissants dans les régions arctiques et pacifiques.
Cependant, cet engagement fait face à d’importants défis nationaux. L’opposition politique canadienne a remis en question les implications fiscales de telles dépenses pendant une période d’incertitude économique. “Nous parlons du plus important investissement de défense en temps de paix de l’histoire canadienne moderne,” a noté le directeur parlementaire du budget, Yves Giroux. “Cela nécessitera soit des réductions significatives d’autres programmes, des augmentations d’impôts, ou l’acceptation de déficits plus importants—aucune de ces options n’étant politiquement indolore.”
L’opinion publique reste divisée. Des sondages récents suggèrent que 52 % des Canadiens soutiennent l’augmentation des dépenses de défense, mais ce soutien tombe à 38 % lorsque les répondants sont informés des compromis budgétaires potentiels. La division régionale est marquée, avec le soutien le plus fort en Alberta et au Canada atlantique, tandis que les électeurs québécois montrent la plus grande résistance.
Les représentants de l’industrie de la défense ont accueilli favorablement cette annonce. “Cet engagement fournit la prévisibilité nécessaire pour les investissements à long terme dans les capacités de défense canadiennes,” a déclaré Christine Magnusson, présidente de l’Association des fabricants de défense du Canada. “Nous prévoyons que cela créera environ 25 000 emplois hautement qualifiés à travers le pays tout en renforçant notre souveraineté technologique.”
La réaction internationale a été extrêmement positive. Le secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte, a qualifié cette décision de “démonstration bienvenue de l’engagement du Canada envers la sécurité collective,” tandis que le secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin, l’a décrite comme “une étape importante vers un partage plus équitable du fardeau de défense de l’alliance.”
Plus important encore, cette augmentation des dépenses modifie fondamentalement le positionnement diplomatique du Canada sur la scène mondiale. Pour une puissance moyenne qui a traditionnellement mis l’accent sur son héritage de maintien de la paix et son approche multilatérale, ce virage vers une capacité militaire sérieuse représente un recalibrage de la façon dont le Canada perçoit son rôle dans les affaires mondiales.
Alors que les détails de mise en œuvre émergent dans les mois à venir, la question demeure: cet engagement renouvelé envers les dépenses de défense est-il une réponse temporaire aux pressions immédiates, ou représente-t-il une réévaluation fondamentale de la place du Canada dans un monde de plus en plus dangereux?