Le spectre des tarifs américains sur l’aluminium plane à nouveau sur l’industrie canadienne, provoquant une action rapide d’Ottawa alors que les responsables envisagent des programmes de soutien financier qui pourraient renforcer les producteurs nationaux pris dans le feu croisé des tensions commerciales.
La ministre des Finances, Chrystia Freeland, a signalé que le Canada est prêt à lancer des contre-mesures si l’administration du président Biden met en œuvre ses promesses de campagne d’imposer de nouveaux tarifs sur l’aluminium canadien. “Nous sommes prêts à répondre dollar pour dollar,” a affirmé Freeland lors de récentes discussions parlementaires, soulignant la détermination du gouvernement à protéger un secteur qui emploie des milliers de Canadiens et contribue pour des milliards à l’économie nationale.
Le soutien financier potentiel représente plus qu’une simple posture dans un différend commercial. Des initiés de l’industrie révèlent que l’appui d’Ottawa pourrait prendre plusieurs formes, des subventions directes aux incitatifs fiscaux conçus pour maintenir des opérations compétitives au Québec et en Colombie-Britannique, où se concentre la majeure partie de la production canadienne d’aluminium.
“Il ne s’agit pas seulement de représailles, mais de préserver une industrie essentielle aux chaînes d’approvisionnement nord-américaines,” a expliqué Richard Tremblay, directeur des opérations dans une importante aluminerie québécoise. “L’aluminium canadien est parmi les plus propres au monde, produit avec de l’énergie hydroélectrique qui nous donne une empreinte carbone environ quatre fois moindre que celle des concurrents chinois.”
Les enjeux économiques sont considérables. Le secteur canadien de l’aluminium génère environ 12 milliards de dollars annuellement tout en soutenant plus de 10 000 emplois directs. L’industrie a déjà survécu à des rondes précédentes de tarifs sous l’administration Trump, qui avait imposé des droits de 10 % en 2018 avant de les retirer après d’intenses négociations.
Les experts commerciaux suggèrent que la stratégie d’Ottawa reflète les leçons tirées des différends commerciaux antérieurs. “Le gouvernement adopte une double approche—préparer des mesures de rétorsion tout en créant simultanément des mécanismes de soutien qui pourraient protéger les producteurs des perturbations du marché,” a noté Dr. Elena Martínez, spécialiste du commerce international à l’Université de Toronto.
Pour des communautés comme Kitimat en Colombie-Britannique et Saguenay au Québec, la position du gouvernement offre un réconfort. Les économies locales de ces régions dépendent fortement de la production d’aluminium, chaque emploi dans une aluminerie soutenant environ trois postes supplémentaires dans les services connexes et les chaînes d’approvisionnement.
La dynamique du marché mondial complique davantage la situation. Les prix mondiaux de l’aluminium ont considérablement fluctué ces derniers mois, influencés par les niveaux de production chinoise, les coûts énergétiques et les prévisions incertaines de la demande. Les analystes de l’industrie suggèrent que les tarifs pourraient perturber les chaînes d’approvisionnement nord-américaines intégrées à un moment où les deux pays tentent de renforcer leur fabrication nationale.
“L’ironie est que des mesures punitives contre l’aluminium canadien pourraient finalement nuire aux fabricants américains qui dépendent de ces intrants,” a expliqué Carlos Rodriguez, économiste en chef à l’Association nord-américaine des métaux. “Plus de 160 000 emplois américains dépendent de l’accès à l’aluminium abordable, beaucoup dans des États politiquement sensibles comme le Michigan et l’Ohio.”
Alors que les leaders politiques canadiens de tous les partis se rallient autour du secteur de l’aluminium, le différend soulève des questions plus larges sur l’avenir de l’intégration économique nord-américaine. Cet épisode survient malgré l’accord commercial ACEUM qui devait assurer la stabilité du commerce transfrontalier.
Entre-temps, les consommateurs des deux côtés de la frontière pourraient ultimement supporter les coûts de tout différend commercial. Des études sur les mises en œuvre de tarifs précédentes suggèrent que de telles mesures entraînent généralement des augmentations de prix pour les produits quotidiens, des canettes de boisson aux composants automobiles et aux matériaux de construction.
Alors qu’Ottawa prépare sa stratégie de réponse, la question demeure: les économies intégrées de l’Amérique du Nord peuvent-elles continuer à fonctionner efficacement tandis que des secteurs individuels deviennent des champs de bataille pour des considérations politiques nationales? La réponse pourrait déterminer non seulement l’avenir de la production d’aluminium, mais aussi la trajectoire plus large des relations économiques canado-américaines.