Dans une ville reconnue pour ses politiques environnementales progressistes, le plan ambitieux de Montréal visant à passer à une collecte bimensuelle des ordures rencontre d’importants obstacles, laissant les résidents de plus en plus frustrés à mesure que les températures estivales augmentent et que les déchets s’accumulent. L’initiative, initialement prévue pour être pleinement mise en œuvre au début de l’été, fait maintenant face à des retards qui pourraient s’étendre jusqu’à l’automne.
“Nous payons les mêmes taxes mais recevons moitié moins de service,” déclare Marie Lemieux, résidente de Notre-Dame-de-Grâce qui a dû se résoudre à entreposer ses déchets excédentaires dans son garage. “L’odeur est insupportable pendant les canicules, et nous voyons plus de rongeurs dans le quartier.”
Le plan de collecte bimensuelle, qui s’inscrit dans la stratégie plus large de réduction des déchets de Montréal, vise à détourner les déchets organiques des sites d’enfouissement tout en encourageant des habitudes de consommation plus consciencieuses. Les responsables municipaux prévoient que cette mesure pourrait réduire les contributions aux sites d’enfouissement jusqu’à 20% par an une fois pleinement mise en œuvre.
Cependant, la transition a été tout sauf harmonieuse. Selon des données obtenues par des demandes d’accès à l’information, 73% des arrondissements initialement programmés pour la transition en juin ont demandé des prolongations, citant une éducation publique insuffisante et des défis logistiques.
“Une mise en œuvre de cette ampleur nécessite une coordination minutieuse entre les services municipaux, les entrepreneurs en gestion des déchets et les programmes de sensibilisation communautaire,” explique Dr. Robert Sinclair, expert en politique environnementale à l’Université McGill. “La ville semble avoir sous-estimé la complexité de changer des habitudes profondément ancrées en matière d’élimination des déchets.”
Les retards surviennent à un moment particulièrement problématique alors que la chaleur estivale accélère la décomposition et les problèmes d’odeurs. Les plaintes au service 311 de la ville concernant la collecte des ordures ont augmenté de 287% par rapport à la même période l’année dernière, selon des rapports internes.
La présidente du comité environnemental de Montréal, Marianne Giguère, a défendu les ajustements du calendrier dans une déclaration: “Nous sommes déterminés à bien faire les choses plutôt que de les faire rapidement. Les avantages environnementaux de cette transition sont trop importants pour risquer un échec par une mise en œuvre précipitée.”
Certains quartiers, cependant, se sont adaptés avec succès au nouveau calendrier. Rosemont-La Petite-Patrie, qui a piloté le programme l’année dernière, rapporte une augmentation de 22% de la collecte des déchets organiques et une diminution du volume de plaintes.
“La clé est une éducation complète avant la mise en œuvre,” note le maire d’arrondissement François Limoges. “Nous avons investi massivement dans la sensibilisation porte-à-porte et distribué des bacs à compost supplémentaires des mois avant de réduire la fréquence de collecte des ordures.”
Pour les arrondissements qui attendent encore la transition, la ville a annoncé un calendrier de déploiement mis à jour avec des campagnes d’éducation publique renforcées et une distribution élargie de bacs à compost. Le plan de mise en œuvre révisé comprend un soutien ciblé pour les immeubles à logements multiples, qui ont fait face à des défis uniques dans le cadre du programme pilote.
Les critiques pointent vers des initiatives similaires à Toronto et Vancouver qui incluaient des périodes de transition plus longues et un engagement public plus robuste avant de réduire la fréquence de collecte. Des conseillers de l’opposition ont appelé à suspendre l’ensemble du programme jusqu’à ce que des systèmes d’infrastructure et d’éducation appropriés soient en place.
“C’est emblématique d’un problème plus large avec les politiques environnementales qui semblent bonnes sur papier mais manquent de stratégies de mise en œuvre pratiques,” soutient le conseiller municipal Marvin Rotrand. “Les résidents soutiennent les objectifs environnementaux mais méritent une exécution compétente.”
Alors que Montréal continue de naviguer dans cette transition difficile, la question demeure: la ville peut-elle équilibrer ses objectifs environnementaux ambitieux avec les réalités pratiques de la gestion des déchets dans un environnement urbain dense, ou cette initiative rejoindra-t-elle la liste croissante des politiques vertes bien intentionnées qui n’ont pas réussi à atteindre leur potentiel?