Dans un revirement spectaculaire qui a secoué l’industrie des dépanneurs, le géant québécois de la vente au détail Alimentation Couche-Tard a officiellement retiré sa proposition ambitieuse de 38 milliards $ pour acquérir Seven & i Holdings, la société mère japonaise de 7-Eleven. Ce retrait inattendu marque la fin de ce qui aurait été l’une des plus importantes acquisitions canadiennes de ces dernières années.
“Après mûre réflexion, nous avons décidé de ne pas poursuivre notre proposition,” a annoncé Brian Hannasch, président et chef de la direction de Couche-Tard, dans un communiqué publié mercredi matin. “Bien que nous croyions que cette combinaison offrait une valeur considérable aux actionnaires des deux entreprises, la réponse de la direction de Seven & i a clairement indiqué qu’ils n’étaient pas intéressés à explorer cette opportunité.”
Le détaillant de dépanneurs basé à Laval, qui exploite plus de 14 000 magasins en Amérique du Nord et en Europe sous des enseignes comme Circle K, avait approché Seven & i début juillet avec une offre non sollicitée qui évaluait le conglomérat japonais à environ 5,5 billions de yens (38 milliards $). La proposition représentait une prime de 38 % par rapport à la valeur boursière de Seven & i avant que la nouvelle de l’offre potentielle ne soit connue.
Les analystes de l’industrie considéraient cette fusion potentielle comme une combinaison stratégique puissante qui aurait créé le plus grand exploitant de dépanneurs au monde, éclipsant les concurrents régionaux et remodelant potentiellement le paysage mondial du commerce de détail.
“Ce retrait n’est pas totalement surprenant étant donné l’accueil froid reçu de Tokyo,” a expliqué l’analyste du commerce de détail Melissa Tran du Groupe Financier de Vancouver. “Les entreprises japonaises ont historiquement résisté aux prises de contrôle étrangères, et le conseil d’administration de Seven & i semblait déterminé à maintenir son indépendance dès le départ.”
Cette tentative d’acquisition avortée met en lumière les défis persistants auxquels les entreprises canadiennes font face lorsqu’elles poursuivent une expansion internationale, particulièrement sur les marchés asiatiques où la culture d’entreprise et l’environnement réglementaire peuvent créer d’importantes barrières à l’entrée. Le conseil d’administration de Seven & i avait qualifié l’approche de Couche-Tard d'”indésirable” dans ses réponses initiales, établissant un ton défensif qui s’est finalement avéré insurmontable.
Pour Couche-Tard, ce retrait représente un revers dans sa stratégie d’expansion mondiale agressive. Le détaillant québécois a bâti son empire grâce à des acquisitions stratégiques, notamment l’achat marquant de Circle K en 2003, qui a transformé l’entreprise en une puissance nord-américaine.
“Couche-Tard dispose d’environ 5 milliards $ de liquidités prêtes pour des acquisitions stratégiques,” a noté le spécialiste des marchés financiers Jordan Lee dans une entrevue. “Cet échec ne change pas leur stratégie fondamentale de croissance—cela signifie simplement qu’ils redirigeront cette puissance de feu ailleurs.”
Les actions de Couche-Tard ont chuté de 3,2 % lors des échanges matinaux suivant l’annonce, tandis que celles de Seven & i Holdings ont baissé de près de 5 % à la bourse de Tokyo, les investisseurs digérant la nouvelle que l’offre à prix premium n’était plus sur la table.
L’effondrement des pourparlers soulève également des questions sur l’indépendance future de Seven & i, qui a fait face à la pression d’investisseurs activistes pour améliorer ses performances et envisager des changements structurels afin d’augmenter les rendements pour les actionnaires. L’entreprise exploite environ 83 000 magasins dans le monde, y compris les omniprésents dépanneurs 7-Eleven en Amérique du Nord et en Asie.
Pour les consommateurs canadiens, l’échec de la fusion signifie que le paysage concurrentiel reste inchangé pour l’instant, Circle K et 7-Eleven continuant à fonctionner comme des entités distinctes à travers le pays. Cependant, les experts de l’industrie suggèrent qu’il est peu probable que ce soit la dernière tentative d’expansion internationale majeure de Couche-Tard.
Alors que les marchés mondiaux des dépanneurs continuent de se consolider, Couche-Tard trouvera-t-elle sa prochaine cible d’acquisition plus près de chez nous, ou fera-t-elle un autre coup d’éclat international? La réponse pourrait déterminer si le géant canadien de la vente au détail peut poursuivre sa remarquable trajectoire de croissance dans un marché mondial de plus en plus compétitif.