Dans un geste audacieux qui souligne la bataille de plus en plus intense entre détaillants et fabricants concernant les prix, Loblaw Companies a retiré les produits de café Folgers de ses rayons partout au Canada. Cette décision survient au milieu d’un différend croissant concernant ce que la plus grande chaîne d’épicerie du Canada décrit comme des “augmentations de prix injustifiées” exigées par J.M. Smucker Co., la société mère de cette emblématique marque de café.
“Nous restons fermes face aux augmentations de prix qui ne peuvent être justifiées,” a déclaré Catherine Thomas, directrice principale des communications externes de Loblaw, dans une déclaration fournie à CO24 Business. “Lorsqu’un fournisseur exige des prix plus élevés sans justification valable, nous avons la responsabilité envers nos clients de contester ces augmentations.”
Le retrait concerne tous les produits de café Folgers dans les magasins appartenant à Loblaw, y compris Shoppers Drug Mart, No Frills, Real Canadian Superstore et autres enseignes du réseau national de l’entreprise. Les experts de l’industrie suggèrent que ce différend représente plus qu’un simple désaccord temporaire sur les prix, mais signale plutôt un changement fondamental dans la dynamique de pouvoir détaillant-fournisseur dans le secteur de l’épicerie de plus en plus concentré au Canada.
L’analyste du commerce de détail Bruce Winder note que cette confrontation survient à un moment particulièrement sensible pour les consommateurs canadiens. “Avec l’inflation alimentaire maintenue à des niveaux élevés depuis plus de deux ans, les détaillants subissent une immense pression publique pour maintenir les prix,” a confié Winder à CO24. “Loblaw dit essentiellement aux fournisseurs que l’époque où l’on pouvait répercuter des augmentations de prix arbitraires est révolue.”
J.M. Smucker Co. a défendu sa stratégie de prix, affirmant que les pressions inflationnistes persistantes sur les grains de café bruts, les matériaux d’emballage et les coûts de transport ont nécessité des ajustements. Dans une réponse écrite, l’entreprise a déclaré que ses “actions sur les prix reflètent les réalités économiques du marché mondial du café et sont conformes aux normes de l’industrie.”
Ce n’est pas la première fois que Loblaw retire des produits lors de différends sur les prix. En 2022, le détaillant avait temporairement retiré certains produits Frito-Lay des rayons lors de négociations similaires. Cependant, le différend actuel se déroule dans un contexte de surveillance accrue du secteur de l’épicerie au Canada, avec des enquêtes fédérales sur les pratiques de tarification alimentaire et une frustration croissante des consommateurs face aux coûts élevés des aliments.
Sylvain Charlebois, directeur du Laboratoire d’analyse agroalimentaire de l’Université Dalhousie, estime que cette confrontation met en lumière des problèmes plus profonds au sein de la chaîne d’approvisionnement alimentaire canadienne. “Nous assistons à une lutte de pouvoir fondamentale,” a expliqué Charlebois. “Avec seulement cinq entreprises contrôlant plus de 80% du commerce alimentaire au Canada, les fournisseurs se retrouvent de plus en plus dans des négociations à prendre ou à laisser.”
Pour les consommateurs fidèles à Folgers, des alternatives restent disponibles chez les détaillants concurrents comme Metro, Sobeys et Walmart. Certains observateurs de l’industrie suggèrent que ce retrait temporaire pourrait en fait profiter aux marques de café concurrentes comme Maxwell House, Tim Hortons et les produits de café President’s Choice de Loblaw, qui restent disponibles dans tous les magasins de l’entreprise.
Le moment de ce différend coïncide avec l’élaboration par le gouvernement fédéral d’un code de conduite pour les épiceries visant à établir des pratiques commerciales équitables entre détaillants et fournisseurs. Ce code, dont la mise en œuvre est prévue plus tard cette année, pourrait potentiellement fournir un cadre pour résoudre de tels différends à l’avenir.
Alors que cette situation évolue, une question fondamentale émerge : à une époque de sensibilité accrue concernant les prix des aliments à la consommation, qui devrait ultimement déterminer ce qui constitue une augmentation de prix “justifiée” – le fabricant, le détaillant, ou peut-être les régulateurs gouvernementaux agissant dans l’intérêt public?