Dans une décision qui a profondément déçu les défenseurs de l’environnement, l’examen réglementaire complet des pesticides tant attendu au Canada s’est conclu hier avec des modifications minimales au cadre de surveillance des produits chimiques agricoles du pays. Cette évaluation de trois ans, qui promettait de moderniser l’approche canadienne en matière de gestion des pesticides, a plutôt largement maintenu le statu quo malgré les preuves scientifiques croissantes reliant certains produits chimiques à la dégradation de l’environnement et à des préoccupations potentielles pour la santé.
“Cela représente une occasion manquée d’importance historique,” a déclaré Dre Margaret Chen, toxicologue principale à la Coalition pour la santé environnementale. “Avec un consensus scientifique écrasant sur les effets néfastes des néonicotinoïdes et de certains organophosphates, nous attendions une action réglementaire audacieuse, pas des ajustements progressifs.”
L’examen, lancé en 2022 par l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA) de Santé Canada, constituait le premier examen complet du cadre réglementaire canadien des pesticides depuis plus de 15 ans. Les groupes environnementaux et les défenseurs de la santé publique espéraient que ce processus alignerait les normes canadiennes sur les réglementations plus strictes de l’Union européenne, qui a interdit des dizaines de produits chimiques encore autorisés en Amérique du Nord.
Parmi les quelques changements notables, le cadre révisé introduit des exigences accrues de surveillance de l’eau près des zones agricoles et impose des tests préalables à la mise en marché légèrement plus rigoureux pour la toxicité chez les abeilles. Toutefois, l’examen n’est pas allé jusqu’à imposer de nouvelles restrictions importantes sur des substances controversées comme le glyphosate, le chlorpyrifos et plusieurs néonicotinoïdes qui demeurent approuvés pour utilisation à travers le Canada.
Les représentants de l’industrie ont exprimé leur soulagement face à cette approche mesurée. “Les agriculteurs canadiens comptent sur ces outils pour maintenir la sécurité alimentaire et la viabilité économique,” a expliqué James Worthington de l’Association des producteurs agricoles. “L’examen équilibre de façon appropriée les considérations environnementales avec les réalités pratiques de l’agriculture moderne.”
Cette décision contraste fortement avec les récents développements politiques dans des juridictions comme la France et l’Allemagne, qui ont mis en œuvre des objectifs agressifs de réduction des pesticides. Selon les documents de l’ARLA, les régulateurs canadiens ont déterminé que les mesures d’atténuation des risques existantes, lorsqu’elles sont correctement suivies, protègent adéquatement la santé humaine et l’environnement.
Dre Élise Bouchard, toxicologue environnementale à l’Université de la Colombie-Britannique, n’est pas d’accord avec cette évaluation. “La littérature scientifique continue de démontrer des impacts écologiques préoccupants de ces substances, particulièrement sur les pollinisateurs et les organismes aquatiques. Le principe de précaution aurait dû avoir plus de poids dans ce processus décisionnel.”
L’examen met en œuvre de nouvelles exigences d’étiquetage et des restrictions d’application pour quatorze substances identifiées comme “haute priorité pour la gestion des risques.” De plus, il établit un processus plus rationalisé pour la réévaluation périodique des produits chimiques approuvés à mesure que de nouvelles preuves scientifiques émergent.
Les critiques soutiennent que ces mesures ne répondent pas au défi fondamental de l’accumulation des pesticides dans les écosystèmes. “Ces produits chimiques n’existent pas isolément—ils interagissent entre eux et persistent dans l’environnement bien plus longtemps que ce que suggèrent les tests en laboratoire,” note Dre Bouchard.
L’ARLA a défendu son approche, citant son mandat d’équilibrer la protection de l’environnement avec la productivité agricole et les préoccupations de sécurité alimentaire. “Notre cadre réglementaire reste parmi les plus robustes au monde,” a déclaré la porte-parole de l’ARLA, Michelle Renaud. “Ces révisions renforcent notre capacité à surveiller et à répondre aux préoccupations émergentes tout en soutenant l’agriculture durable.”
Pour les consommateurs canadiens préoccupés par l’exposition aux pesticides, les changements réglementaires limités soulèvent d’importantes questions sur les choix alimentaires personnels. Les ventes d’aliments biologiques ont augmenté à deux chiffres annuellement au Canada depuis 2020, reflétant une sensibilisation croissante du public concernant l’utilisation de produits chimiques agricoles.
Alors que la mise en œuvre des modestes changements réglementaires commence, les défenseurs de l’environnement planifient déjà leur réponse. Plusieurs organisations ont annoncé leur intention de contester certains aspects de la décision par des voies légales, tandis que d’autres lancent des campagnes de sensibilisation des consommateurs visant à faire pression sur les détaillants alimentaires pour qu’ils adoptent volontairement des normes plus strictes.
La question demeure : à une époque de défis environnementaux croissants et de préoccupations publiques grandissantes concernant l’exposition aux produits chimiques, le Canada en a-t-il fait assez pour protéger ses écosystèmes et ses citoyens contre des pratiques agricoles potentiellement nocives?