Dans un revirement sans précédent qui a secoué le paysage politique québécois, le premier ministre François Legault a témoigné jeudi devant une commission parlementaire concernant le déploiement désastreux de SAAQclic, une plateforme d’immatriculation de véhicules en ligne qui s’est transformée en un fiasco de 500 millions de dollars. Cette rare comparution du premier ministre devant la commission marque seulement la deuxième fois en six ans de mandat qu’il a été convoqué pour expliquer un échec gouvernemental de cette ampleur.
“J’assume l’entière responsabilité,” a concédé Legault lors de son témoignage, bien qu’il ait rapidement enchaîné pour défendre la stratégie globale de transformation numérique de son gouvernement. “S’il y a quelqu’un à blâmer, c’est moi,” a-t-il déclaré, tout en maintenant que le fiasco SAAQclic représente une anomalie parmi les initiatives numériques du Québec plutôt qu’un problème systémique.
La plateforme SAAQclic, lancée en février 2023, devait simplifier les services d’immatriculation de véhicules pour les conducteurs québécois. Au lieu de cela, elle a créé un chaos sans précédent, avec des temps d’attente dans les centres de services grimpant à huit heures ou plus. Le gouvernement a été contraint de déployer des centaines de travailleurs supplémentaires et d’étendre les heures de service pour gérer la crise, qui persiste depuis plus d’un an.
Les partis d’opposition se sont emparés du scandale, Christine Labrie, porte-parole de Québec Solidaire, décrivant la situation comme “un cas d’école sur comment ne pas gérer une transformation numérique.” La députée libérale Marwah Rizqy a poussé Legault à expliquer pourquoi son gouvernement a ignoré les signes avant-coureurs concernant l’état de préparation de la plateforme, citant des documents internes qui prédisaient l’éventuelle défaillance.
Le coût financier a été stupéfiant. Ce qui a commencé comme un projet de 458 millions de dollars dépasse maintenant les 500 millions, avec des coûts supplémentaires encore en cours de calcul. La décision du gouvernement de procéder au lancement malgré les avertissements techniques a soulevé de sérieuses questions sur la surveillance et la responsabilité au sein des initiatives de transformation numérique du Québec.
Éric Caire, le ministre responsable de la transformation numérique gouvernementale, a fait l’objet d’un examen intense mais a jusqu’à présent conservé le soutien de Legault. Durant son témoignage, le premier ministre a défendu Caire tout en reconnaissant que “des erreurs ont été commises” dans l’exécution et la supervision du projet.
Des experts du secteur interrogés par les médias locaux pointent des failles fondamentales dans l’approche gouvernementale des grands projets informatiques. “Il existe un modèle persistant où les échéanciers politiques priment sur les réalités techniques,” a expliqué Dre Sylvie Bernier, spécialiste en gouvernance numérique à l’Université de Montréal. “Quand les avertissements des équipes techniques sont ignorés pour respecter des délais politiques, c’est le public qui en paie ultimement le prix.”
Des documents obtenus par des demandes d’accès à l’information révèlent que des responsables de la SAAQ avaient tiré la sonnette d’alarme sur l’état de préparation de la plateforme dès novembre 2022, trois mois avant son lancement désastreux. Ces avertissements soulignaient spécifiquement les périodes inadéquates de test et de formation pour le personnel qui devrait utiliser le nouveau système.
La commission parlementaire a élargi son enquête au-delà de l’échec de SAAQclic pour examiner des tendances plus larges dans l’approche politique québécoise de la transformation numérique. En jeu, il n’y a pas seulement le coût financier considérable, mais aussi la confiance du public dans la capacité du gouvernement à moderniser les services essentiels.
Alors que ce scandale continue de se dérouler, la question demeure : le gouvernement québécois mettra-t-il en œuvre des changements structurels significatifs pour prévenir des échecs coûteux similaires, ou SAAQclic deviendra-t-il simplement une autre leçon onéreuse qui ne transformera pas la façon dont les projets numériques sont gérés dans le secteur public?