Les champs dorés des provinces des Prairies canadiennes, traditionnellement symbole d’abondance agricole, font face à un avenir précaire alors que la sécheresse persistante menace les récoltes de blé et de canola cette année. Ce qui avait commencé comme une saison de croissance prometteuse s’est transformé en une course contre la montre, les agriculteurs de la Saskatchewan, de l’Alberta et du Manitoba scrutant anxieusement le ciel clair à la recherche de signes des précipitations tant nécessaires.
“Nous sommes à un moment critique maintenant,” explique Warren Sekulic, qui cultive 2000 hectares près de Rycroft dans le nord de l’Alberta. “Si nous n’obtenons pas de précipitations significatives dans les deux prochaines semaines, nous pourrions faire face à des rendements considérablement réduits pour toutes nos cultures.” Les préoccupations de Sekulic résonnent dans tout le grenier du Canada, où les exploitations agricoles, grandes et petites, sont confrontées à des défis similaires.
Le plus récent rapport sur les cultures de Statistique Canada révèle une situation inquiétante. Bien que les conditions d’ensemencement précoce semblaient favorables, avec une humidité du sol adéquate dans de nombreuses régions, les semaines suivantes ont apporté une chaleur implacable et des précipitations minimales. Les météorologues agricoles avertissent maintenant que les réserves d’humidité du sous-sol—cruciales pour soutenir les cultures pendant les périodes sèches—s’épuisent rapidement dans de vastes étendues des Prairies.
La Saskatchewan, qui produit habituellement près de la moitié du blé et du canola du Canada, a été particulièrement touchée. Le ministère de l’Agriculture de la province rapporte que les conditions d’humidité de la couche arable sont considérées comme “faibles” ou “très faibles” dans plus de 70 pour cent des régions agricoles. Des conditions similaires prévalent dans une grande partie de l’Alberta et certaines régions du Manitoba.
Les implications s’étendent bien au-delà des exploitations agricoles individuelles. Le Canada se classe parmi les principaux exportateurs mondiaux de blé et de canola, et les marchés mondiaux surveillent de près les prévisions de production. Les analystes des produits de base intègrent déjà les pénuries potentielles dans leurs projections de prix, les contrats à terme pour ces deux cultures montrant une pression à la hausse lors des récentes sessions de négociation.
“Nous sommes face à une situation où les stocks mondiaux de blé sont déjà serrés,” note Marlene Boersch, associée directrice chez Mercantile Consulting Venture. “Toute réduction significative de la production canadienne pourrait avoir des effets d’entraînement sur les marchés internationaux, potentiellement entraînant une hausse des prix pour les fabricants de produits alimentaires et, finalement, les consommateurs.”
La Commission canadienne du blé maintient un optimisme prudent, notant que les techniques agricoles modernes ont amélioré la résistance à la sécheresse par rapport aux décennies précédentes. Les variétés de semences avancées, les pratiques de labour de conservation et l’agriculture de précision ont tous contribué à la capacité des cultures à résister au stress hydrique. Néanmoins, même ces avancées technologiques ont leurs limites.
Pour les producteurs de canola, la situation semble tout aussi préoccupante. Chuck Fossay, président de l’Association des producteurs de canola du Manitoba, décrit les conditions actuelles comme “incertaines” dans une grande partie de sa province. “Le canola est particulièrement sensible pendant la phase de floraison,” explique Fossay. “Sans humidité adéquate maintenant, nous pourrions constater des impacts significatifs sur le développement des gousses et, finalement, la production de graines.”
Les enjeux économiques sont substantiels. L’agriculture contribue environ 111 milliards de dollars annuellement au PIB du Canada, le blé et le canola représentant deux des cultures les plus précieuses du pays. Les communautés rurales des Prairies dépendent fortement du succès de chaque saison de croissance, avec des effets d’entraînement s’étendant aux secteurs du transport, de la transformation et de l’exportation.
Les gouvernements fédéral et provinciaux surveillent étroitement la situation, avec des plans d’urgence pour les programmes de soutien agricole si les conditions se détériorent davantage. Cependant, la plupart des agriculteurs reconnaissent qu’aucun programme de soutien ne peut remplacer complètement une récolte réussie.
“Le défi avec l’agriculture est que nous sommes toujours à la merci de facteurs hors de notre contrôle,” réfléchit Sekulic. “On peut tout faire correctement—utiliser les meilleures semences, appliquer l’engrais parfaitement, synchroniser nos opérations—mais sans pluie, rien de tout cela n’a vraiment d’importance.”
Alors que le Canada fait face à ce défi agricole, une question plus large émerge: comment les systèmes de production alimentaire de notre nation s’adapteront-ils aux modèles climatiques de plus en plus imprévisibles dans les décennies à venir? Pour l’instant, les agriculteurs des Prairies continuent de jeter des regards anxieux vers le ciel, espérant que le soulagement arrive avant que leurs cultures n’atteignent le point de non-retour.