Les champs asséchés du sud de la Saskatchewan racontent une histoire plus grave que ce que les statistiques peuvent exprimer. Alors que les sols craquelés s’étendent sur des terres agricoles autrefois fertiles, 34 municipalités rurales ont pris la mesure extraordinaire de déclarer un état de catastrophe agricole face à ce que beaucoup considèrent comme les pires conditions de sécheresse depuis des décennies.
“Nous constatons des taux d’échec des cultures atteignant 80 pour cent dans certaines régions,” affirme Ryan Scragg, préfet de la municipalité rurale de Caledonia. “Les champs qui devraient être luxuriants de cultures en croissance sont au contraire stériles et poussiéreux. De nombreux agriculteurs n’ont jamais vu des conditions aussi sévères de leur vivant.”
L’Association des producteurs agricoles de la Saskatchewan (APAS) confirme que les niveaux de précipitations dans toute la région sud représentent moins de 40 pour cent des quantités saisonnières normales. Ce déficit d’humidité dévastateur fait suite à une saison de croissance 2023 déjà difficile, créant une crise composée pour le secteur agricole de la province.
Les implications économiques s’étendent bien au-delà des fermes individuelles. La production agricole de la Saskatchewan, évaluée à environ 17 milliards de dollars par an, forme l’épine dorsale de l’économie provinciale. Les premières projections suggèrent que les réductions de rendement des cultures pourraient entraîner des pertes économiques dépassant 2 milliards de dollars si des pluies substantielles n’arrivent pas bientôt.
Le ministre provincial de l’Agriculture, David Marit, a reconnu la gravité de la situation lors d’une conférence de presse à Regina. “Nous reconnaissons les défis extraordinaires auxquels nos producteurs sont confrontés. Le gouvernement provincial explore activement des mesures de soutien, y compris des ajustements potentiels aux programmes d’assurance-récolte et un financement de secours d’urgence.”
Les effets de la sécheresse s’aggravent quotidiennement. Les éleveurs signalent un épuisement rapide des sources d’eau, avec des mares et de petits réservoirs déjà secs ou dangereusement bas. Des pénuries de fourrage se profilent à l’horizon alors que les pâturages ne produisent pas suffisamment de fourrage, forçant de nombreux éleveurs à envisager de vendre une partie de leurs troupeaux à des prix dépréciés.
“Il ne s’agit pas seulement de la récolte de cette année,” explique Dr Barbara Wilson, économiste agricole à l’Université de la Saskatchewan. “Les implications à long terme pour la santé des sols, la stabilité financière des fermes et la viabilité des communautés rurales sont profondes. De nombreuses exploitations font face à des menaces existentielles si les conditions ne s’améliorent pas.”
L’implication fédérale pourrait devenir nécessaire à mesure que la crise s’aggrave. Agriculture Canada a précédemment évalué que le changement climatique augmente à la fois la fréquence et la gravité des conditions de sécheresse dans les provinces des prairies.
Les prévisions météorologiques offrent peu d’espoir immédiat. Les perspectives saisonnières d’Environnement Canada prévoient des précipitations continuellement inférieures à la moyenne jusqu’à au moins la mi-juillet, période critique de croissance pour de nombreuses cultures. Certaines municipalités ont mis en œuvre des mesures de conservation de l’eau, tandis que d’autres organisent des services de livraison d’eau d’urgence pour les résidents touchés.
La déclaration des municipalités rurales sert à la fois d’appel à l’aide et de mécanisme administratif qui peut permettre l’accès à des programmes de secours d’urgence. Les urgences de sécheresse précédentes dans l’Ouest canadien ont déclenché des cadres d’intervention fédéraux-provinciaux, notamment des programmes de report d’impôt et des dispositions spéciales de gestion des risques.
La réponse communautaire a été rapide. Les associations agricoles locales organisent des programmes de don de foin, et certains résidents urbains offrent de l’eau de puits privés aux exploitations d’élevage voisines. Ces efforts populaires soulignent la résilience des communautés de la Saskatchewan tout en mettant en évidence la gravité de la situation.
Alors que la Saskatchewan fait face à cette crise croissante, une question émerge : nos systèmes de soutien agricole, conçus à une époque climatique différente, seront-ils suffisants pour faire face aux régimes météorologiques de plus en plus volatils qui semblent être la nouvelle norme pour le grenier à blé du Canada?