Alors que les cloches résonnent tristement à travers Lac-Mégantic aujourd’hui, marquant les 12 ans depuis la catastrophe ferroviaire la plus meurtrière du Canada qui a coûté la vie à 47 personnes, les défenseurs de la sécurité et les résidents partagent une frustration croissante face à la lenteur des changements significatifs dans la réglementation de la sécurité ferroviaire. Cet anniversaire survient alors que les statistiques inquiétantes montrent une augmentation de 23 % des incidents ferroviaires impliquant des marchandises dangereuses au cours de l’année écoulée.
“Douze ans plus tard, et nous attendons toujours les réformes complètes de sécurité qui ont été promises après la tragédie”, déclare Anne Leblanc, dont la sœur a péri dans la tragédie de 2013 lorsqu’un train pétrolier hors de contrôle a déraillé et explosé au cœur de la ville québécoise. “Chaque anniversaire est comme rouvrir une blessure qui ne guérit jamais complètement, surtout quand nous voyons des risques similaires persister partout au pays.”
Les données de Transports Canada publiées le mois dernier révèlent que malgré les protocoles d’inspection renforcés établis après la catastrophe, les problèmes de conformité demeurent répandus sur le réseau ferroviaire canadien. L’organisme de réglementation fédéral a documenté 187 infractions de sécurité liées au transport de marchandises dangereuses au cours de l’exercice précédent, principalement concernant des procédures inadéquates de test des freins et la mauvaise immobilisation des wagons – les mêmes problèmes qui ont contribué à la catastrophe de Lac-Mégantic.
Martin Tremblay, expert en sécurité ferroviaire qui a siégé à l’équipe d’enquête du Bureau de la sécurité des transports après la catastrophe de 2013, souligne les défis persistants. “La mise en œuvre des systèmes automatisés de contrôle des trains a été inutilement retardée sur les principaux corridors ferroviaires”, a-t-il déclaré à CO24 News. “Transports Canada continue de permettre à l’industrie trop d’autorégulation en ce qui concerne les systèmes de sécurité critiques.”
Le gouvernement fédéral s’était engagé à éliminer progressivement les anciens wagons-citernes DOT-111 qui se sont rompus lors de la catastrophe de Lac-Mégantic d’ici 2025, mais les rapports de l’industrie indiquent qu’environ 8 700 de ces wagons restent en service en Amérique du Nord. Bien qu’ils ne soient plus autorisés à transporter du pétrole brut, ils continuent de transporter d’autres matières dangereuses à travers des zones peuplées.
À Lac-Mégantic même, la voie de contournement promise depuis longtemps qui détournerait les marchandises dangereuses du centre-ville a connu des retards répétés et des augmentations budgétaires. Initialement prévue pour être achevée en 2022, les projections actuelles visent maintenant 2027 – un calendrier que de nombreux résidents considèrent avec scepticisme.
“Nous avons vu le budget du projet passer de 133 millions à plus de 900 millions de dollars”, note la mairesse Julie Morin. “Bien que nous comprenions la complexité, chaque retard représente un risque continu pour notre communauté qui a déjà payé le prix ultime pour la négligence de la sécurité ferroviaire.”
Les commémorations de l’anniversaire à Lac-Mégantic comprenaient un service commémoratif matinal et l’inauguration d’une nouvelle section du sentier commémoratif de la ville. De nombreux participants ont exprimé des émotions mitigées concernant le centre-ville reconstruit, qui témoigne à la fois de la résilience et rappelle ce qui a été perdu.
Canadian Pacific Kansas City (CPKC), qui a acquis le Central Maine and Quebec Railway qui exploitait la ligne traversant Lac-Mégantic après la catastrophe, a publié une déclaration réaffirmant son “engagement inébranlable envers les normes de sécurité les plus élevées” tout en reconnaissant que l’industrie doit continuer à faire évoluer ses pratiques.
Les groupes de défense de la sécurité ferroviaire profitent de cet anniversaire pour faire pression en faveur d’une mise en œuvre accélérée des amendements à la Loi sur la sécurité ferroviaire actuellement devant le Parlement. La législation proposée renforcerait les pouvoirs d’application de Transports Canada et imposerait des procédures d’évaluation des risques plus rigoureuses pour les itinéraires transportant des marchandises dangereuses à travers les centres urbains, selon CO24 Politics.
“L’expérience de Lac-Mégantic a fondamentalement changé la façon dont les Canadiens perçoivent la sécurité ferroviaire”, déclare Robert Aubin, directeur exécutif de Rails sécuritaires Canada. “Mais traduire cette prise de conscience en une réforme réglementaire efficace s’est avéré frustrant et lent. Nous avons besoin d’actions décisives, pas de plus de consultations et d’études.”
Alors que la nuit tombe sur Lac-Mégantic ce soir, les résidents se rassembleront pour une veillée aux chandelles, illuminant le site commémoratif avec 47 flammes – une pour chaque vie perdue. La question qui plane sur la cérémonie, et en vérité sur l’ensemble du réseau ferroviaire canadien, demeure troublante et persistante : combien d’anniversaires devront encore passer avant que les leçons de cette tragédie soient pleinement intégrées dans notre système de sécurité ferroviaire?