La hausse des températures à travers le Canada crée un environnement de travail de plus en plus dangereux pour les travailleurs en plein air, selon un nouveau rapport alarmant de l’Organisation mondiale de la santé. Cette crise émergente, largement négligée dans les discussions sur la sécurité au travail, menace des milliers de travailleurs canadiens alors que le changement climatique s’intensifie.
“Ce que nous observons est un risque professionnel sans précédent”, explique la Dre Maria Neira, directrice de l’environnement, du changement climatique et de la santé à l’OMS. “Les maladies liées à la chaleur chez les travailleurs augmentent de façon dramatique, le Canada connaissant des anomalies de température presque deux fois supérieures à la moyenne mondiale.”
Le rapport, publié hier, identifie les travailleurs de la construction, les ouvriers agricoles et les premiers répondants comme étant les plus à risque. En Alberta et en Colombie-Britannique, les hospitalisations pour des maladies liées à la chaleur chez les travailleurs en plein air ont augmenté de 34 % depuis 2020, selon les données de Santé Canada.
De façon inquiétante, les réglementations actuelles en milieu de travail pourraient être insuffisantes pour faire face à cette menace croissante. Seules trois provinces canadiennes disposent de protocoles complets de sécurité thermique qui imposent une réduction des heures de travail lors de températures extrêmes, tandis que les directives fédérales restent largement consultatives plutôt qu’obligatoires.
“Les impacts économiques vont au-delà des préoccupations individuelles en matière de santé”, note l’économiste Priya Sharma du Centre canadien de politiques alternatives. “Quand les travailleurs tombent malades à cause de l’exposition à la chaleur, la productivité s’effondre. Nous estimons des pertes économiques annuelles de 1,6 milliard de dollars d’ici 2030 si des mesures d’adaptation ne sont pas mises en œuvre.”
Les climatologues d’Environnement Canada prévoient que d’ici 2040, la plupart des grands centres urbains canadiens connaîtront annuellement 15 à 20 jours de plus avec des températures dépassant les 30°C par rapport aux moyennes historiques. Cette nouvelle réalité climatique exige une refonte fondamentale des normes de sécurité au travail.
“Il ne s’agit pas simplement de confort, mais de survie“, affirme Michael Torres, un travailleur de la construction de Toronto qui a subi un coup de chaleur l’été dernier lorsque les températures ont atteint 36°C. “Nous travaillons avec des équipements lourds, portant des équipements de protection qui emprisonnent la chaleur. Quelque chose doit changer.”
Le rapport de l’OMS recommande des périodes de repos obligatoires, l’accès à des stations de refroidissement et des horaires de travail adaptés lors d’événements de chaleur extrême. Certaines entreprises canadiennes mettent déjà en œuvre des solutions innovantes, notamment des quarts de nuit pour la construction extérieure et des systèmes de surveillance alimentés par l’IA qui suivent la température corporelle des travailleurs.
Le ministre du Travail, Seamus O’Regan, a reconnu les conclusions du rapport, déclarant que le gouvernement fédéral “examine activement les normes de sécurité thermique” dans les lieux de travail sous réglementation fédérale, bien que les changements politiques spécifiques restent indéfinis.
Alors que le changement climatique continue de transformer les saisons canadiennes, la question demeure : nos réglementations en matière de sécurité au travail évolueront-elles assez rapidement pour protéger les personnes les plus vulnérables à la hausse des températures, ou continuerons-nous à traiter les maladies liées à la chaleur comme un risque professionnel acceptable?