Le prochain Sommet du G7 au Canada revêt une importance particulière alors que l’éventuel retour de l’ancien président Donald Trump à la Maison Blanche plane sur la diplomatie internationale. Les marchés mondiaux et les nations alliées se préparent à ce que de nombreux analystes décrivent comme un bouleversement majeur des relations internationales si Trump remporte l’élection présidentielle en novembre.
Le gouvernement du Premier ministre Justin Trudeau se trouve face à un délicat exercice d’équilibriste alors qu’il se prépare à accueillir les dirigeants mondiaux au Québec en juin prochain. Des hauts fonctionnaires canadiens, s’exprimant sous couvert d’anonymat, ont révélé que des plans d’urgence sont déjà en cours d’élaboration pour un scénario où Trump—qui a maintes fois menacé le Canada de tarifs douaniers punitifs—reprendrait la présidence.
“L’ombre de 2018 plane lourdement sur ce sommet,” note la Dre Eleanor Westbrook, professeure de relations internationales à l’Université McGill. “L’image de Trump quittant prématurément le sommet de Charlevoix après avoir retiré sa signature du communiqué conjoint reste une blessure diplomatique qui n’est pas complètement cicatrisée.”
Les responsables canadiens du commerce sont particulièrement préoccupés par les promesses de campagne de Trump d’imposer des tarifs douaniers généralisés pouvant atteindre 10% sur tous les produits importés, avec des taux potentiellement plus élevés pour le Canada. Les implications économiques pourraient être dévastatrices pour le Canada, qui envoie environ 75% de ses exportations aux États-Unis, représentant près de 20% de son PIB selon les données commerciales canadiennes.
La ministre des Finances Chrystia Freeland coordonne avec ses homologues européens et japonais pour développer une approche unifiée face aux perturbations commerciales potentielles. “Nous ne nous préparons pas seulement pour le sommet, nous nous préparons à des changements potentiellement dramatiques dans le paysage économique mondial,” a confié un conseiller de Freeland à CO24 Actualités.
L’ordre du jour du sommet a été soigneusement élaboré pour se concentrer sur des domaines où un consensus reste possible, notamment les défis de sécurité mondiale et la résilience climatique, bien que ce dernier sujet demeure contentieux étant donné le retrait antérieur de Trump de l’Accord de Paris sur le climat.
Les tensions au Moyen-Orient ont ajouté une couche supplémentaire de complexité à cette rencontre diplomatique. Avec le conflit israélo-palestinien en cours et l’instabilité régionale, les dirigeants du G7 devraient formuler une approche coordonnée qui pourrait devenir obsolète si la politique étrangère américaine pivote radicalement après l’élection de novembre.
Les analystes de la défense soulignent les préoccupations accrues concernant l’avenir de l’OTAN et les dispositifs de sécurité collective. Les critiques antérieures de Trump envers l’alliance et ses exigences d’augmentation des dépenses de défense européennes n’ont pas été oubliées. Les responsables canadiens de la défense accélèrent apparemment les révisions des cadres de coopération militaire en prévision d’éventuels changements dans les garanties de sécurité américaines.
“Ce qui rend ce sommet unique, c’est son timing,” explique le Dr Michael Henderson, directeur du Centre d’études de politique internationale. “Il se déroule à un moment où l’ordre international établi après la Seconde Guerre mondiale fait face à son plus grand défi depuis des décennies. Les dirigeants doivent simultanément répondre aux crises immédiates tout en se préparant à un paysage diplomatique potentiellement radicalement différent.”
Pour la politique canadienne, le sommet représente à la fois une opportunité et un risque. Le gouvernement Trudeau, confronté à une popularité déclinante au niveau national, pourrait bénéficier d’une vitrine internationale réussie. Cependant, tout faux pas dans la gestion de la relation délicate avec le potentiel futur président américain pourrait s’avérer coûteux.
Les chefs d’entreprise à travers le Canada suivent de près les développements. La Chambre de commerce du Canada a établi un groupe de travail spécifiquement axé sur la préparation aux possibles perturbations commerciales. “Nous avons déjà vécu cette situation,” a déclaré Jennifer Morton, économiste en chef à la Banque Toronto-Dominion. “Mais l’ampleur des tarifs proposés cette fois représenterait une refonte fondamentale de l’intégration économique nord-américaine.”
Alors que les préparatifs du sommet s’intensifient, la question de plus en plus posée dans les cercles diplomatiques n’est pas simplement comment gérer cette rencontre particulière, mais si le G7 lui-même peut rester pertinent dans une ère de nationalisme renouvelé et de protectionnisme économique. Ce sommet organisé par le Canada sera-t-il considéré comme le dernier souffle de l’ordre international libéral d’après-guerre, ou comme le début de sa réinvention pour un monde plus fragmenté?