Dans une démonstration sans précédent de solidarité provinciale, les premiers ministres du Canada se sont réunis hier à Halifax pour leur sommet annuel du Conseil de la fédération, plaçant la réforme du cautionnement et le financement des soins de santé au premier plan de leur programme collectif. Cette réunion à enjeux élevés survient dans un contexte de pression publique croissante pour un changement systémique dans ces deux domaines, les premiers ministres étant unis dans leurs appels à l’action fédérale malgré leurs orientations politiques diverses.
“Nous constatons un consensus croissant entre les provinces sur le fait que le système actuel de cautionnement ne protège pas adéquatement nos communautés,” a déclaré le premier ministre de la Nouvelle-Écosse, Tim Houston, aux journalistes en accueillant ses homologues dans la province maritime. “Quand des récidivistes violents font des allers-retours dans notre système judiciaire, les Canadiens se demandent légitimement si la sécurité publique est vraiment prioritaire.”
La discussion sur la réforme du cautionnement émerge suite à plusieurs cas médiatisés où des individus libérés sous caution ont par la suite commis des infractions graves. Les treize premiers ministres ont signé un communiqué conjoint exigeant qu’Ottawa mette en œuvre des conditions de cautionnement plus strictes pour les délinquants accusés de crimes violents, particulièrement ceux impliquant des armes à feu. Ce rare moment d’unanimité souligne l’urgence que les premiers ministres attachent à cette question, transcendant les clivages partisans qui caractérisent habituellement les relations fédérales-provinciales.
Le financement des soins de santé, préoccupation permanente des affaires intergouvernementales canadiennes, a dominé la deuxième journée de discussions. Les premiers ministres ont collectivement exprimé leur frustration face à ce qu’ils ont qualifié de transferts fédéraux en santé inadéquats, pointant du doigt les services d’urgence surchargés, les retards chirurgicaux et les pénuries de personnel soignant qui affligent leurs systèmes respectifs.
“Nous ne demandons pas simplement plus d’argent,” a déclaré le premier ministre du Québec, François Legault. “Nous demandons un financement durable et prévisible qui nous permet de mettre en œuvre des solutions à long terme plutôt que des pansements temporaires.”
Les demandes des premiers ministres en matière de soins de santé comprennent une augmentation immédiate du Transfert canadien en matière de santé pour couvrir 35% des dépenses provinciales et territoriales en santé, contre la contribution fédérale actuelle de 22%. Leur position unifiée reflète une préoccupation croissante quant à la durabilité du système de santé canadien face au vieillissement de la population et aux pressions post-pandémiques.
Bien que le sommet ait présenté un front uni sur ces questions fondamentales, les observateurs ont noté des tensions sous-jacentes concernant les détails de mise en œuvre. Certaines provinces favorisent des approches de financement ciblé, tandis que d’autres insistent sur des transferts inconditionnels qui respectent la compétence provinciale en matière de prestation de soins de santé.
“Les premiers ministres peuvent s’entendre sur les grandes lignes, mais le diable est toujours dans les détails,” a noté la Dre Katherine Henderson, présidente de l’Association canadienne des médecins d’urgence, qui a participé en tant qu’observatrice. “Ce qui importe le plus, c’est de traduire ces discussions en améliorations tangibles pour les patients qui attendent dans les couloirs et les travailleurs de la santé confrontés à l’épuisement professionnel.”
La réponse du gouvernement fédéral a été mesurée. Le ministre de la Justice, David Lametti, a reconnu les préoccupations concernant la réforme du cautionnement, mais a mis en garde contre des solutions trop simplifiées, tandis que le ministre de la Santé, Jean-Yves Duclos, a réitéré que le financement supplémentaire doit être lié à des résultats mesurables et au partage de données.
À l’issue du sommet, les premiers ministres se sont engagés à poursuivre leur plaidoyer avec une approche coordonnée, programmant des rencontres régulières avec leurs homologues fédéraux sur ces deux questions. La réunion a démontré que malgré les différences régionales qui dominent souvent la politique canadienne, certains défis sont devenus trop pressants pour permettre aux différends partisans ou juridictionnels d’entraver les progrès.
Alors que les Canadiens continuent de classer les soins de santé et la sécurité publique parmi leurs principales préoccupations, la question demeure: cette rare démonstration d’unité provinciale sera-t-elle suffisante pour catalyser une action fédérale significative, ou deviendra-t-elle un nouveau chapitre dans la longue histoire des impasses intergouvernementales du Canada?